mardi, décembre 05, 2006

Trois Muses et un enterrement

Elles sont trois Muses, trois soeurs se tenant par la main. L'aînée, la plus sage, penche son visage grave et pensif qui rappelle les jardins aimés autrefois ; c'est elle que l'on appelle le soir venu et qui paisiblement, quand l'auteur s'assoupit sur le texte, prend la plume à sa place et jette ces mots qu'il aura oublié au matin. La cadette, la plus riante et la plus folle, une bacchante celle-là, lui sert le vin qui l'enivre et lui donne l'étrange hallucination d'un sens et d'une importance aux feuillets envolés dans le vent. La benjamine, la plus douce mais aussi la plus effacée, relit les mots sur son épaule et chuchote à son oreille de discrets encouragements.

Deux d'entre elles m'ont quitté. La première, la Muse de l'auteur, comme les fleurs, ne s'épanouit pas sur les laves. La seconde, celle qui inspira la naissance de ce blog et en confirme aujourd'hui la disparition, s'est retirée dans un château de verre dont, tel un personnage de Kafka, je n'ai même plus le courage de demander la clef. Reste seule la troisième, la lectrice, l'unique personne qui découvrit ce blog par hasard et qui, sans qu'elle eût connu par avance l'auteur ni que rien ne l'ait prévenu favorablement pour lui, resta fidèle.

Je remercie mes trois Muses pour leur soutien constant durant ces quatorze mois et les convie solennellement à l'enterrement de ce blog. De profundis blogibus, tra la la la la, etc. - comme dit à peu près le poète.