Je n'ai pas pour habitude d'encenser les Etats-Unis mais je dois reconnaître qu'ils ont bien mieux compris que nous ce qu'est une démocratie. Il nous paraît un peu étrange de voir un pays cautionner un président qui le lance dans une guerre injuste sur la base d'informations mensongères. C'est que nous oublions un point fondamental : aux Etats-Unis, le nouveau président, lors de son investiture, prête serment sur la Bible devant le peuple lorsqu'il expose les grandes lignes de son futur mandat. Les Etats-Unis ont un président de droit divin. Il est tenu religieusement de dire la vérité au peuple et, en contrepartie, le citoyen américain lui voue une entière confiance. Mais s'il s'avère qu'il a menti, comme dans le cas du cyclone Katrina où Bush déclara devant les caméras: "Personne n'avait anticipé l'effondrement des digues" alors qu'une visioconférence le montre prévenu des risques encourus, cela devient une très grave affaire d'Etat.
Par contre, en Europe comme en France, il semble que nous n'ayons toujours pas compris l'importance primordiale du rôle de l'information - et surtout de la véracité de celle-ci - dans une démocratie. A partir du moment où le citoyen est tenu de voter, il est fondamental qu'il sache pourquoi. Cela paraît une évidence. Mais si les principaux media sont muselés par un homme politique, comme ce fut le cas pour l'Italie avec Silvio Berlusconi ; s'il devient nécessaire qu'un groupe terroriste fasse exploser plusieurs trains pour mettre en évidence les mensonges d'un premier ministre, comme ce fut le cas en Espagne pour José María Aznar ; s'il paraît naturel qu'un président de la république ne puisse "pendant la durée de son mandat [...] ni être mis en examen, cité ou renvoyé pour une infraction quelconque devant une juridiction pénale de droit commun", comme c'est le cas en France depuis 2001, il n'est plus question de parler de démocratie.
Depuis les élections présidentielles de 1995, le citoyen français semble avoir admis que l'homme politique ait le droit de lui mentir ouvertement. On peut lui faire gober que voter "non" à un référendum conduira à une catastrophe sans précédent - nous l'attendons toujours ; un parti de droite peut lui promettre une politique sociale de gauche - et bien sûr ne pas s'y tenir ; un gouvernement peut baptiser "loi sur l'égalité des chances" un texte profitant exclusivement à quelques actionnaires de grands comptes industriels. Je ne crois pas que cet état de fait récent soit irréversible. Il n'est du qu'à quelques personnalités politiques actuelles, extraordinairement malsaines, qui sèment la confusion afin d'en récolter les fruits. Certes le fruit qui mûrit d'un tel germe ne peut être qu'infect. Mais ces individus-là semblent s'accommoder du pouvoir à n'importe quel prix, crise sociale, chômage, corruption, déficit budgétaire, récession, etc.
Samedi soir en Italie, en pleine trêve électorale, les électeurs ont reçu sur leur téléphone portable des messages du parti de Silvio Berlusconi, rédigés dans le goût de celui-ci : «Si tu ne votes pas, tu choisis Prodi. S'il gagne, c'est toi qui perds : impôts sur ton épargne et ta maison, altermondialistes et clandestins en liberté». Finalement, Romano Prodi a été élu. Bien que le scrutin lui ait accordé à peine 27000 voix d'avance, peut-être est-ce le signe que le vent change de direction.
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