
La pensée magique ou pensée hermétique repose sur deux principes qui sont la ressemblance et la coïncidence. Si la raison n'est qu'un cas particulier de celle-ci, c'est qu'elle restreint à un strict minimum, qui reste toujours trop important sauf peut-être dans la mathématique, le sens de ceux-ci, limitant la ressemblance à l'identité et la coïncidence au lien de causalité.
L'amoureux du romantisme allemand - Novalis, Hoffmann, Tieck, Hölderlin - et de Gérard de Nerval sait parfaitement que cette lecture l'amène aux confins d'une folie qui n'est pas nécessairement la sienne. Le paresseux qui suivant l'exemple de Montaigne, reste trop longtemps le matin au lit, sait que la façon de penser qu'il adopte lui sera à peu près impossible plus tard à reproduire ou traduire, soit parce qu'une fois debout, il n'arrive plus à en retrouver les tenants et les aboutissants ou qu'elle se dissout dans l'oubli, soit parce que le bon sens, maladie qu'il partage également avec ses congénères, lui dicte de ne pas prononcer en public le souvenir de telles élucubrations sous peine de paraître un idiot ou une bête pire aux yeux de son contemporain.
C'est ainsi que pendant un an, d'une part je n'ai pu me convaincre de la justesse et de la fausseté simultanée de ces intuitions matinales, de leur force qui était justement celle qu'éprouve l'illuminé, que je n'ai parfois pu ni m'en souvenir ni rétablir le lien qui existait entre elles mais d'autre part, surtout, je n'ai pu me résoudre à les exprimer clairement ; car leur connexion et leur résolution auraient fait de ce blog un de ces systèmes clos tels qu'on les trouve dans l'esprit du paranoïaque ; lequel définitivement, une fois pour toutes, a tout compris.
(1) "La pensée magique n'est pas un début, un commencement, une ébauche, la partie d'un tout non encore réalisé ; elle forme un système bien articulé ; indépendant, sous ce rapport, de cet autre système que constituera la science, sauf l'analogie formelle qui les rapproche et qui fait du premier une sorte d'expression métaphorique du second. Au lieu, donc, d'opposer magie et science, il vaudrait mieux les mettre en parallèle, comme deux modes de connaissance, inégaux quant aux résultats théoriques et pratiques ( car, de ce point de vue, il est vrai que la science réussit mieux que la magie, bien que la magie préforme la science en ce sens qu'elle aussi réussit quelquefois ) mais non par le genre d'opérations mentales qu'elles supposent toutes deux, et qui diffèrent moins en nature qu'en fonction des types de phénomènes auxquels elles s'appliquent." Claude Lévi-Strauss, La pensée sauvage.
Illustration : enluminure de Phoebe Anna Traquair pour les sonnets d'Elizabeth Barrett Browning.
A voir absolument : la somptueuse et immense collection d'illustrations de BibliOdyssey, dont est extraite l'image en encart.