Dans le joli film de science-fiction "Bienvenue à Gataca", on nous montre entre autres choses comment la génétique peut devenir un support effectif de discrimination. Cela n'aurait rien de nouveau ni d'étonnant car elle a déjà acquis ses lettres de noblesse à Auschwitz.
Pourtant, il nous semble que le chemin est encore long avant d'en arriver là ; puisque nous n'avons peut-être jamais autant entendu parler qu'aujourd'hui d'éthique, que ce soit dans le domaine de la recherche, de la médecine, de l'environnement, de la politique, du travail en entreprise, et que sais-je ? Hélas ! L'éthique est sans doute la branche la plus inutile de la philosophie. Son rôle consiste à justifier, en fonction des croyances actuelles, le chemin que celles-ci ont amené à emprunter depuis bien longtemps. Mais, comme la mouche du coche, elle s'imagine faire avancer l'attelage.
La santé a toujours été un prétexte suffisant pour convaincre l'éthique de laisser place vide. Lorsque les missionnaires chrétiens voulurent s'implanter en Amazonie, au Japon, en Afrique, ils fondèrent en premier lieu les hospices. Ce qui avait si généreusement commencé s'acheva par un massacre. L'enfer est pavé de bonnes intentions.
Le chemin de l'enfer futur, nous le pavons aujourd'hui dans les différentes branches de la recherche que sont la génétique, la bionique et la robotique ; et c'est, comme toujours, le médecin qui nous fait avaler la pilule : ici, l'on se réjouit d'avoir modifié le gène dit déficient d'un embryon ; là, on guérit les paralytiques en leur implantant des électrodes dans le cerveau ; ailleurs, on couple des neurones aux microprocesseurs. Le ministère japonais de l'industrie travaille sur l'établissement de lois comparables à celles d'Asimov concernant les robots et nous nous émerveillons béatement de ce qui fera la prison de demain. Je n'ose même pas évoquer les recherches militaires. Que deviendront ces belles inventions dans les mains des démagogues, des escrocs, des assassins, des tyrans qui gouvernent actuellement l'Europe, les Etats-Unis, le Moyen-Orient et la Chine ? Que deviendront-elles dans les mains des peuples qui les laissent gouverner ?
Car ne nous leurrons pas. Si, comme je le disais, l'éthique reste à son habitude muette, c'est que la route dont nous entrevoyons les premières bornes fut bâtie à notre intention il y a bien longtemps déjà. Nous appliquons, avec presque trois siècles de retard, ce que La Mettrie, dans les pas de Descartes, avait conçu : un homme qui, moins encore qu'à un animal, se compare à une machine et dont l'émergence spirituelle n'est qu'une « partie matérielle sensible du cerveau » (1). Qu'attendre alors de peuples qui se considèrent eux-mêmes comme des robots et dont la machine est devenue le modèle explicatif et la métaphore ? Il y a deux millénaires, l'homme était l'image de son créateur. Aujourd'hui, il est devenu l'image de sa création et l'éthique n'a plus qu'à s'en accommoder.
(1) L'Homme-Machine, La Mettrie, 1747.
Sources :
Automates intelligents - Une neuropuce bientôt produite en série.
Technoscience - Naissance d'une enfant libérée d'un gène déficient.
Technoscience - Lois de la robotique d'Asimov : le Japon établit les règles.
The neurophilosopher's blog - Brain-machine interface controls movement of prosthetic limb.
The neurophilosopher's blog - The neuron-semiconductor interface.
The neurophilosopher's blog - The nano-enhanced super soldier.
Illustration : un neurone de rat couplé à un transistor électrolyte-oxyde de sicilium.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire