Comme je l'escomptais depuis un certain temps, les "Contes de Terremer", film d'animation de Miyazaki, devraient sortir dans les salles françaises en Janvier 2007. Hélas, je me vois désolé de ne pouvoir surseoir plus longtemps à la fort désagréable obligation de tempérer quelque peu votre enthousiasme : si le réalisateur s'appelle bien Miyazaki, il ne s'agit pas du célèbre Hayao mais de son fils, Goro.
Le tournage fut très rapide : neuf mois contre dix-sept pour Chihiro ou le Château Ambulant. En vérité, il s'engagea sous les plus mauvais auspices : Papa Miyazaki, lorsque le producteur Toshio Suzuki lui apprit que Fiston aller réaliser le film, eut cette fulgurante sentence : « Vous êtes fou. Il ne sait pas dessiner. » Il y avait en effet de quoi être surpris : paysagiste urbain puis conservateur du Musée Ghibli, Goro n'avait jamais participé à une animation. Cependant, aux dires de Mr Suzuki, Hayao Miyazaki est l'un de ces affreux maniaques qui terrorisent leur équipe. Cela l'orienta vers le choix de son fils, selon lui l'unique être au monde apte à ne pas attraper, en présence du tyran, un ulcère au duodénum.
L'obtention des droits d'auteur donna elle aussi lieu à quelques scènes truculentes : pour commencer, Toshio Suzuki essaya de faire passer Hayao, le seul à connaître à fond l'oeuvre d'Ursula Le Guin, pour Goro. Mais l'écrivain ne se laissa pas prendre à ce piège idiot et la discussion démarra sur un mauvais pied. Déjà mortellement déçue par l'adaptation qu'avait fait de Terremer une chaîne américaine, Ursula Le Guin ne faisait confiance qu'en Hayao. Lui, qui n'avait plus pour intention de réaliser le film, affirmait solennellement assumer la totale responsabilité du script : il n'hésiterait pas à tout arrêter s'il le trouvait mauvais. Comme elle lui demandait donc ce qu'elle devait comprendre par : assumer la responsabilité du travail de son fils, cette question, toute simple dans une bouche américaine, s'avéra particulièrement effroyable dans une oreille japonaise. Effondré, Hayao Miyazaki se tourna vers son producteur : « Qu'ai-je dit de mal ? » Toshio Suzuki jugea bon de traduire la question de Mme Le Guin en termes plus appropriés : par assumer la responsabilité, entendait-il être le producteur du film ? Ce à quoi Hayao répondit vertement qu'il ne comptait pas se déshonorer en couvrant le nom de son fils par le sien (1). Aussitôt Théo, le fils d'Ursula et un fin connaisseur des subtilités nippones, jugea opportun de rappeler à tout le monde qu'il était l'heure de déjeuner. Au retour, et encore à sa suggestion, Ursula Le Guin prit la main de Miyazaki et lui assura vivement qu'elle cèderait les droits de l'oeuvre à son fils. Profondément touché, Miyazaki fondit en larmes comme une Madeleine.
Après cet intermède mélodramatique, revenons-en au film. Comme je le supposais, il s'inspire du tome troisième et aussi du premier. On peut voir la bande annonce japonaise ici. Néanmoins une question reste en suspens : à quel titre le nom d'Hayao Miyazaki figurera-t-il dans le générique ? Mr Suzuki propose avec humour la solution suivante :
Goro Miyazaki : réalisateur.
Hayao Miyazaki : père.
(1) Ne lisant pas le japonais, je ne suis pas très sûr de cette traduction. Si quelqu'un se le sent, l'interview originale est là. ;)
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