dimanche, août 13, 2006

Facettes de la conscience

Je souhaiterai apporter une conclusion à mes deux derniers articles (1) sur le rêve lucide. Je ne l'avais pas aperçue sur le moment.

Dès lors que la description de Célia Green - le rêve lucide est un rêve où l'on sait que l'on rêve - n'est ni nécessaire, ni suffisante pour circonvenir cette expérience, elle ne peut plus être considérée comme une définition. Il ne reste que la notion de conscience dans le rêve.

Or l'idée de conscience est, pour le moins que l'on puisse dire, très peu claire. Si l'on suit de près quelques blogs de neurobiologie, on s'aperçoit que personne ne sait ce que c'est. Il y a les croyants pour qui la conscience s'impose d'elle même - comme dirait Kant à propos de l'intuition, elle est donnée. Mais ils sont incapables d'en décrire le contenu. Et les incroyants qui, devant cette incapacité, affirment que la conscience n'existe pas et qu'elle est seulement le résidu de l'antique notion d'âme. Aucune de ces deux optiques n'est d'une quelconque façon satisfaisante car tous escomptent que la formule leur soit miraculeusement révélée. C'est comme si Linné s'était attendu à ce que la définition du lactaire fût inscrite entre les lamelles - ou que sa femme espérait que le champignon trouvé par son naturaliste de mari cuise dans la poêle en l'absence de feu.

Ainsi personne ne fait le moindre effort pour découvrir la teneur de la conscience ni même pour en fixer temporairement une définition. Néanmoins, comme je le disais plus bas, ce n'est pas non plus la peine de chercher à cerner ce concept si l'on n'a pas de la conscience un point de vue éloigné. De même, nul ne saura jamais si ses lunettes lui conviennent s'il n'a essayé une autre paire.

Un des moyens d'avoir une autre perspective sur la conscience est justement le rêve lucide. Selon ma compréhension, il montre que la conscience n'est pas une : le jugement, la mémoire, la personnalité, le libre-arbitre, la concentration, la qualité de l'attention - et j'en oublie - tout ce qui forme la conscience de soi et de l'environnement est non seulement fragmenté mais susceptible d'importantes variations d'un instant sur l'autre - et c'est aussi le cas de notre conscience ordinaire. Lors d'un rêve lucide, quelques unes de ces caractéristiques peuvent s'illustrer tour à tour par leur vivacité alors que les autres sont faibles, lacunaires ou absentes. Ce n'est pas celle-ci ou celle-là qui détermine l'impression de conscience dans le rêve, mais le fait que l'une ou plusieurs d'entre elles atteignent un seuil vaguement comparable à celui accessible durant la vie éveillée.

Tant que l’on ne pourra envisager de qualifier un seuil pour ces instances séparées qui constituent la conscience - et la chose paraît difficilement réalisable - il sera impossible de caractériser le rêve lucide. Nous voilà donc confrontés à un bien étrange paradoxe : le rêve lucide est une expérience qui se vit mais ne peut pas se définir.

(1) Articles précédents :
Peut-on définir le rêve lucide ? (1)
Peut-on définir le rêve lucide ? (2)

3 commentaires:

Anonyme a dit…

En fait ça ne peut pas marcher comme ça, parce que le rêve lucide arrive suite à un accès de Clarté, et que la Conscience est un voile sur la Clarté... Cette chose si étrange qu'on sent quand on devient lucide, c'est la Clarté, pas la Conscience, l'ennui c'est que la Conscience se colle dessus et se l'approprie. Mais on voit bien que ça ne va pas, car aucun des paramètres de la Conscience (mémoire, logique etc...) n'est nécessaire ou suffisant pour définir la lucidité. Et pour cause, la Clarté est à la source de tout cela, mais n'en a pas besoin pour exister.

Anonyme a dit…

salut dado !
Je me demandais... Qu'est-ce qui te permet d'affirmer que l'attention, le libre arbitre, etc "constituent la conscience" ? Ce sont simplement des circuits de neurones et à mon avis la conscience c'est simplement un observateur par rapport à ces circuits.

Dado a dit…

Salut Lyrtane !

C'est une excellente question. En effet, rien ne me permet de l'affirmer. C'est une sorte d'"hypothèse de travail".

Je suis tout à fait d'accord avec toi sur le point que ce que j'appelle les composants de la conscience sont simplement des circuits de neurones (ou le résultat de la connexion entre certains circuits de neurones). Par exemple, l'attention et la concentration sont, je pense, des circuits. Par contre, si j'ai bien compris, la personnalité et le libre-arbitre sont la résultante de la connexion entre différents circuits. Quant à la mémoire, c'est beaucoup plus compliqué.

Après, le problème, c'est qu'est-ce que la conscience ? Comme je le dis dans l'article, c'est pas clair du tout et il faudrait avant tout poser une définition.

Soit on estime que la conscience est l'observateur le plus pur possible. S'il l'on part de cette définition, on notera qu'on confond généralement ce que l'on a appelé "conscience" et la pensée ou la personnalité. Comme tu le signales, il peut y avoir encore un observateur derrière ces phénomènes, donc ils ne sont pas la conscience. Mais cet observateur est capable d'attention et de concentration. Il faut donc supprimer aussi ces deux dernières de la notion de conscience. L'observateur est aussi capable de perception puisqu'il observe le contenu de la perception - par perception, j'entends aussi le fait de percevoir des pensées, des souvenirs, etc. Il faut donc aussi supprimer la perception. On se retrouve avec un observateur qui n'observe plus rien, au point qu'on ne sait pas s'il existe. Mais à mon niveau, je ne peux plus répondre à la question, il faut demander à Flopinette. :)

Soit on remarque que, dans le rêve lucide, on a l'impression d'être "conscient", contrairement au rêve normal - ou beaucoup plus que dans le rêve normal. On cherche alors ce qui nous donne l'impression d'être conscient. On se rend compte que ça vient : du fait d'avoir d'impression de sortir du déroulement du rêve et d'avoir une conscience de soi en tant qu'entité séparée de l'environnement ; du fait d'être capable de diriger notre attention et notre concentration ; du fait de pouvoir décider d'actions ( pas mal de ces notions font intervenir le libre-arbitre ) ; et bien sûr du fait de savoir que l'on rêve ou du moins que l'on est pas dans un état normal, c'est-à-dire d'avoir une connaissance de notre état et un jugement comparatif sur notre situation. Tout ça ensemble ou séparément.

Or tous ces points résultent, comme on l'a vu, de l'activation de réseaux de neurones. Dans la conscience normale, tout est plus ou moins activé. Dans la conscience dans le rêve, ce n'est pas le cas, certains oui, certains non. La conscience est-elle donc une impression liée à cette activation ? A partir de quel moment peut-on affirmer être conscient ? Le fait d'affirmer être conscient n'est-il pas justement lié à l'activation d'un ensemble de réseaux ( ça demande de la pensée, du jugement critique, de l'estimation de sa situation ). En bref, c'est un gros sac de noeuds.

D'où le fait que pour le moment, mon hypothèse de travail, c'est de supposer que la conscience, c'est ce qui fait qu'on a l'impression d'être conscient dans le rêve lucide. Y a-t-il encore quelque chose derrière ? Franchement, je n'en ai pas l'expérience, ou bien je n'ai pas le discernement suffisant pour l'affirmer.

En tous cas, merci pour ta question, ça fait plaisir de savoir qu'on est lu et bien lu de temps en temps ! :)