lundi, octobre 23, 2006

Voyage au centre de la terre

Hier soir, en regardant chez mes parents "Le Voyage au Centre de la Terre" (1) à la télévision, nous n'avons pas tari d'éloges quant à ce grand homme que fut Jules Verne : quel génie ! quel visionnaire ! Comme il a su prévoir avec justesse l'évolution du progrès scientifique ! Comme sa verve créatrice fut soutenue, sans être jamais bridée, par l'excellente qualité de sa documentation !

Il importe peu - je crois - que, contrairement à celle des vieux siècles qui la précéda, la science du XXIème siècle, dans son abrupte dégénérescence, n'ait pas découvert le grand océan central qui se cache sous les trente lieues de lithosphère, ni les admirables forêts de lépiotes géantes ( Macrolepiota Lindenbrockia ) qui abritent sous leur carpophore, dont l'exagération n'est liée qu'à la grande richesse du terrain sédimentaire, des taxons horribles de varans et de dimétrodons (2). Nous ne chipoterons pas non plus sur quelques détails techniques sans réelle importance. La quantité d'approvisionnement nécessaire à une expédition de plusieurs mois, la facile déambulation dans des tunnels larges comme ceux du métropolitain et bien sûr la manière tellement aisée et peu dangereuse de rejoindre la surface - on se demande bien pourquoi personne n'a songé à la mettre en pratique - auront sans doute choqué les mentalités vulgaires des spéléologues, des vulcanologues et des randonneurs - mais nous ne partageons pas le point de vue de ces espèces crapahutantes qui doivent leur esprit terre à terre à tout ce temps passé à regarder le sol !

Quoi qu'il en soit, ce fut un agréable divertissement. Mais je ne peux m'empêcher de songer au fait si curieux que l'invention de la science moderne s'accompagna aussitôt de sa contrepartie fantastique, la littérature de science-fiction. Est-ce un fait tellement courant qu'un système de croyances se dote immédiatement d'un discours à teneur prophétique sur ses possibles implications ? Ou cette projection dans l'avenir découle-t-elle pas de façon exclusive de ce qu'un des piliers du système repose justement sur l'assise instable du futur, du progrès et de l'évolution ? Est-ce seulement une question de mode si l'art ne produit pas d'innombrables romans portant sur les développements d'autres systèmes de croyances fantastiques ou réels (3) ?

Il existe bien une telle littérature en réalité. Elle ne se présente pas sous l'aspect fictionnel mais sous celui d'expériences vécues ou de réflexions raisonnables et de sages conseils en vue d'une vie meilleure ; et c'est bien ainsi qu'elle est assimilée immédiatement par ses lecteurs, comme une vérité présente, utile et incontestable, aussi invraisemblable qu'en soit le contenu.

Si je ne me trompe pas, c'est que les types de croyances qui fondent la science et la religion ne sont pas les mêmes. L'une s'appuie surtout sur l'évidence, l'autre en majeure partie sur la conviction. Le remplacement d'une évidence par une autre n'entraîne pas de remise en question essentielle de l'observateur. Au contraire le changement de foi implique l'apostasie. Mais les deux sont les piliers jumeaux du portique du même temple ; et les opposer de part et d'autre n'est pour notre esprit que la conséquence d'une stricte nécessité puisque, différents et identiques, leur éloignement contribue à soutenir la même construction.

(1) Le film de Henry Levin tourné en 1959.
(2) La différence entre le film et le livre est qu’il n'y a pas de femme dans l'expédition originelle de Jules Verne - non plus que de méchant aristocrate. Comme on pouvait s'en douter, tous les dialogues touchant à ces sujets ( le rôle des femmes dans la société, la discussion sur la peine de mort, etc. ) sont dus au scénariste américain. Vu sous cet angle, le passage le plus amusant est sans doute aucun le rajout d'un mystérieux champ magnétique susceptible d'attirer l'or et, du même coup, l'alliance de Mme Goetaborg, la libérant fort à propos de ses devoirs après la période légale de veuvage.
(3) A l'exclusion peut-être du Pendule de Foucault et du Da Vinci Code.


Illustration : Voyage au centre de la terre, par Édouard Riou, 1867. Cette image est copiée de l'excellent site "The illustrated Jules Verne", un must pour les fans de ses illustrations.

9 commentaires:

Anonyme a dit…

"Si je ne me trompe pas, c'est que les types de croyances qui fondent la science et la religion ne sont pas les mêmes. L'une s'appuie surtout sur l'évidence, l'autre en majeure partie sur la conviction"
Ah bon ? Je ne vois aucune différence, pourtant. D'un côté on a les scientifiques qui énoncent ce qu'ils ont vu, d'un autre côté on a des fondateurs de religions et chefs de lignées ou mystiques, qui énoncent des choses tout aussi vérifiables pour eux que l'est la science pour les scientifiques. Et même plus, parce que les vérités spirituelles n'ont jamais changé. Et puis en-dessous on a un tas de crétins qui croient tout sans avoir jamais rien vu de leurs propres yeux et qui deviennent complètement fous dès qu'on attaque leur croyance qui est forcément fausse puisqu'elle relève d'un dogme et non d'une expérience.

Anonyme a dit…

Très juste ce que dit flo, mais même au plus crétin (à condition qu'il l'admette!) il reste toujours l'intuition, qui donne la possibilité de suivre le vrai sans le comprendre ou l'expérimenter.

Anonyme a dit…

Tu es sûr ? Parce que j'ai vu un tas de gens, y compris moi, se planter magistralement en suivant leur intuition. L'intuition est généralement le nom que nous donnons à un certain type de voile émotionnel.

Anonyme a dit…

Si je suis sûr il n'y a plus d'intuition !
Je nommerais intuition la faculté d'apercevoir la lumière à travers un voile.
"Se planter" peut faire partie du chemin vers la vérité, tant qu'on ne sait pas où on va, il n'y a pas vraiment de moyen d'être sûr.

Dado a dit…

Ah bien si je m'attendais, dans cet article, à ce qu'on discute du dernier paragraphe ! C'est l'avant dernier qui est mauvais, pas le dernier. Car il existe bien une littérature de religion-fiction, et c'est tout bêtement la littérature fantastique et d'héroïc-fantasy avec ses fantômes, esprits et diables, ses cultes, ses magies, ses pouvoirs et ses dieux bien étranges inclus dans des panthéons fantaisistes.

>> Flo: d'un autre côté on a des fondateurs de religions et chefs de lignées ou mystiques, qui énoncent des choses tout aussi vérifiables pour eux que l'est la science pour les scientifiques. Et même plus, parce que les vérités spirituelles n'ont jamais changé.

Penser que les religions sont fondées par de grands explorateurs de l'âme humaine, c'est mal observé. On trouvera peut-être de ce type de religion deux ou trois cas, qui sont l'exception.

Tout le reste, que ce soient les religions tribales américaines, africaines ou asiatiques, les religions dérivées de l'animisme comme le shintoïsme, les religions dérivées de la Bible, les religions polythéistes anciennes ou actuelles, sommes incohérentes des croyances tribales d'une région, sont pour la plupart d'entre elles l'amas au fil du temps de superstitions, de légendes, de bizarres récits de fables cosmologiques. Il n'y a rien de bien sérieux dans la Bible, non plus qu'il n'y avait rien de sérieux dans la religion des Vikings, des Grecs, des Romains, des Babyloniens, des Egyptiens ou des Aztèques. On trouvera là surtout des codes moraux, des tabous surprenants, des proverbes et des poésies, des constructions philosophiques plus ou moins bancales et des divagations grandioses sur l'histoire de la tribu ou de la civilisation qui l'a rédigé.

Ainsi, si l'on s'intéresse à la recherche spirituelle dans les diverses religions chrétiennes, on ne trouvera quasiment rien dans les livres prétendus sacrés (l'Ancien ou le Nouveau testament). Pas la peine non plus de chercher ça dans Luther, Calvin ou le Livre de Mormon. Et si certaines personnes de cette religion ont découvert des vérités spirituelles, on se demande tellement comment elles ont pu faire qu'on en vient à comprendre pourquoi cette religion a inventé le dogme de la grâce divine, car il faut avoir un gros coup de bol pour tomber dessus.

Or ce ne sont pas les Saints Jeans-de-la-Croix et les Saintes Thérèses qui ont fondé une religion. De même, en Inde, si les gurus fondent des lignées dans le cadre général de l'hindouisme, ils ne créent pas vraiment de nouvelle religion. En bref, l'oeuvre de Bouddha semble une exception... ce que semble confirmer le Dalaï-Lama lorsqu'il dit que le bouddhisme n'est pas une religion !

Car le plus souvent, une religion n'a rien à voir avec la spiritualité, c'est un lot d'histoires à peu près invraisemblables sur les faits et gestes de tel ou tel dieu ; et soit elle est formée par l'esprit d'un peuple, le temps et deux ou trois poètes, soit par un charlot halluciné imbu de pouvoir, soit par quelques adorateurs idiots et fanatiques d'une personne qui, elle, n'a jamais pensé à fonder une religion et n'a pas dit grand'chose dans sa vie.

>> Lds: Très juste ce que dit flo.

Eh bien non. Vous avez été abusés par votre intuition et vos voiles émotionnels. :p

Anonyme a dit…

Décidément, encote ton problème avec les chefs... Pour moi, il est clair que si un certain nombre d'idées sont adoptées, c'est qu'à la base il y a eu quelqu'un d'exceptionnel qui a émis une connaissance, et que cela a été suivi, bien que complètement distordu. Pour moi, le christianisme a bien été fondé par le Christ, l'islam par Mahomet (qui malgré tout devait quand même être qqn d'exceptionnel) et le judaïsme par les Prophètes, qui étaient aussi des gens d'exception. Quant aux trucs aztèques et égyptiens et compagnie, je pense également qu'il y a eu au départ des vrais chefs, à savoir des personnalités charismatiques, qui ont vraiment énoncé des connaissances qui leur sont descendues par le fait d'une certaine clarté. Que cela ait été mal compris, je ne vois pas où est le problème, il suffit de comparer l'Eglise au Christ. Va enseigner la physique quantique dans une classe de maternelle, tu vas voir ce qui va en rester. La spiritualité c'est pire. Parce que non seulement les gens n'ont pas le cerveau, mais ils n'ont pas le corps pour comprendre ce qui se dit. Donc la vraie comparaison, ça serait plutôt enseigner la course à pied à des poissons.

Dado a dit…

Mwahaha ! Je crois qu'on a trouvé là un gros point (au moins) de désaccord émotionnel ! :)))

Mais bon, on ne va pas commencer à se balancer des "chef! chef! chef!" comme les chevaliers de Ni disaient "ni! ni! ni!" Il n'était pas d'ailleurs pas du tout question de chef, ni dans mon article, ni dans mon commentaire et on dévie du sujet.

Sur le fond, on est d'accord : certaines personnes font des découvertes et les autres les galvaudent. Mais ce n'était pas vraiment de ça dont je parlais.

Je vais essayer de développer mon point de vue et le rendre plus clair, ou au moins mieux poser la question (car je ne suis pas sûr d'avoir la réponse) dans les articles suivants. Peut-être que finalement je retomberai sur le même point de vue que toi.

Anonyme a dit…

Tiens c'est marrant, j'ai revu hier soir Monty Python Sacre Graal, enfin une partie car ça m'a trop fait chier. Mais je suis allée jusqu'aux chevaliers du Ni... Curieux, ça...

Dado a dit…

Lol! C'est pas la première fois qu'il y aura de la télépathie entre nos blogs. :)