Un des débats majeurs de la philosophie concerne la perspective dualiste séparant le sujet de l'objet. Or ces siècles derniers, l'on a vu s'immiscer entre les deux une notion supplémentaire, la conscience, comme une paire de lunettes se glisse entre le livre et l'oeil du presbyte. Qu'est-ce que le sujet ? Qu'est-ce que l'objet ? La paire de lunettes fait-elle plutôt partie de l'un que de l'autre ? Crée-t-elle une sorte d'effet optique d'où naissent les images fantomatiques des deux ? Est-elle seulement un sophisme engendré par le contournement d'un problème insoluble ? Nous avons constaté les difficultés à définir la conscience, et voici que, appliquant la sage méthode de Descartes qui consiste à diviser un problème ardu en ses parties, nous nous heurtons à l'impossibilité de définir celles-ci, la raison, l'intelligence ou la mémoire, au point que nous avons résolu, comme il le fit lui-même il y a quatre siècles - mais nous de façon temporaire - d'abandonner de plus chercher à définir la raison et de renoncer à supposer qu'elle nous égare.
Aujourd'hui donc, nous nous intéresserons à ce qui pose de l'autre coté de la lorgnette : l'univers. Aurons-nous plus de facilité à soulever ce coté-ci de l'armoire ?
Qu'est-ce que l'univers ? J'imagine déjà mon pauvre lecteur, à demi asphyxié par la lecture du premier paragraphe, se prendre la tête entre les mains. « Oh non! » gémit-il douloureusement. Rassure-toi, lecteur, à la fin de cet article, tu ne seras pas plus avancé et c'est tout ce qu'il y avait à connaître.
L'évidence - l'évidence : il faudra que je songe un jour à tordre le cou à ce démon-là - l'évidence, disais-je, nous suggère que ce monde-ci est un ensemble d'objets matériels, parfois solides, parfois mous, d'une surface approximative de sept kilomètres sur sept, qui s'étend toutefois lorsqu'on prend la voiture. Son sol, appelé la terre, est plat. Il s'éclaire différemment en fonction de la position changeante du soleil, lequel tourne tout autour de nous, ce qui produit de jolis effets esthétiques, particulièrement le matin et le soir.
Une étude plus approfondie nous révèle enfin que, sur ce sol, nous pouvons nous mouvoir à volonté de droite à gauche, d'avant en arrière et sauter en l'air sur une distance d'environ un mètre. A ces trois dimensions de l'espace, on pourra ajouter celle du temps ; mais lui se déplace sans nous demander notre avis.
Cette vision efficace des choses n'est cependant pas partagée par les astronomes, qui sont bien plus savants que nous. Pour eux, il n'y a plus de matière que de beurre en broche. Nous sommes constitués d'un ensemble de symboles mathématiques, un agencement comparable à des fibres vibrantes, aux cordes d'un violon. De même que celles-ci, lorsqu'elles sont touchées par l'archet, émettent les notes de musique, de la même façon les cordes de l'univers s'agitent et leurs différents motifs suggèrent chacune des particules fondamentales. Les atomes ressemblent donc moins à des petits pois ronds et secs qu'aux notes d'une partition. En elle-même, cette description est déjà suffisamment fantastique. Où la chose se complique, c'est lorsqu'on apprend que l'orchestre des sphères ne joue pas dans un opéra à trois ou quatre dimensions mais dix, onze ou douze, selon les auteurs.
Quelles sont alors ces dimensions surnuméraires et imperceptibles ? L'un affirme la présence d'une dimension supplémentaire d'espace qui nous serait inconnue. L'autre soutient, comme le poète Novalis, qu'il existe une seconde dimension de temps. De ces théories extraordinaires, laquelle est la bonne ? Cette question ne se pose peut-être même pas car le fameux astrophysicien Stephen Hawking est sur le point de publier, avec Thomas Hertog du Centre Européen de Recherche Nucléaire, un article étonnant : ils avancent que l'Univers n'a pas eu un commencement unique. Il aurait pu naître à la fois de toutes les façons imaginables - et peut-être d'autres qui ne le sont pas - et nous devrions le décrire comme la superposition de cet ensemble de possibles.
Tout cela nous montre qu'il est, dans la supposition même que cela soit faisable, aussi ardu de définir la conscience que ce qu'elle observe. Encore n'ai je pas parlé de la théorie la plus surprenante à mon avis. Prenant l'option inverse de cette débauche de dimensions, elle postule qu'une des trois directions de l'espace est illusoire. La gravité, absente de ce monde, ne serait que la conséquence chimérique de cette troisième dimension imaginaire. Nous serions plats et sans poids. Comme Mickey Mouse, nous nous déplacerions dans un univers de cartoon sans nous en apercevoir.
Sources :
PhysOrg - Scientists Predict How to Detect a Fourth Dimension of Space.
Techno Science - Théorie: Stephen Hawking réécrit la cosmologie... à l'envers.
Wikipedia - Théorie des cordes.
Illustration : Mickey Mouse, Howard Finster, 1980.
7 commentaires:
Dado, c'est épouvantable. Je viens de poster chez moi, et je te jure que je n'avais pas lu ton article avant. C'est épouvantable :)
C'est encore plus épouvantable que tu crois, car j'avais écrit avant-hier un post sur le portable (que je n'ai finalement pas publié). Y'a de la télépathie dans l'air. ;)
Sinon, je conseille en effet à tout le monde d'aller voir le premier lien de l'article "La terre est plate" sur le blog de l'Hermite.
http://www.hermite.org/2006/07/17/la-terre-est-plate/
Ca vaut le détour. :)
"Y'a de la télépathie dans l'air"
C'est une hypothèse. Il y en aurait d'autres.
Je penche pour le fait que nous sommes des récepteurs de pensées qui voyagent librement. La question étant de savoir si elles voyagent dans un espace temps similaire au notre, ou bien complètement différent. Par exemple un espace unidimensionnel non soumis au temps...
Pour revenir sur le thème, ce qui est intéressant c'est que la définition de l'univers se conçoit nécessairement en fonction du sujet qui l'observe. Sans cette relation sujet-objet, il n'y a plus d'univers mais simplement l'être.
On pourrait presque se demander de quel côté de la lorgnette se trouve l'observateur.
En effet, il faut bien admettre une limite entre le sujet et l'objet, si l'on veut conserver cette distinction si pratique, mais cette limite qu'est ce que c'est ? Du vide ? Le vide qu'est ce ?
Je crains que la perplexité nous saississe devant de tels interrogations...
>> Lds: La définition de l'univers se conçoit nécessairement en fonction du sujet qui l'observe.
Je crois qu'on peut ramener la définition de l'univers aux sens. C'est une idée curieuse qu'il faudra que je développe.
super, les gars. Je vois que vous pétez la grande forme. Alors on se retrouve fin aout chez le lopon pour mettre tout ça en pratique ? ;-)
Oh non, fin Août je suis en Toscane pour manger des pizzas.
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