mercredi, septembre 21, 2005

Jardins lointains



L'automne qui est déjà là porte un parfum frileux de fainéantise. Plutôt que de rédiger mes propres articles, je préfère présenter ce poème de Juan Ramón Jiménez, que certains d'entre vous connaissent déjà pour l'avoir lu dans "La Force du Silence" de Carlos Castaneda.

Il est intéressant de noter que Castaneda en a fait une traduction légèrement différente, privilégiant la symétrie des images et une césure plus naturelle, selon la ponctuation des phrases.

Le tableau que j'ai choisi pour illustrer ce poème est "La Terrasse" de Pierre Bonnard (1918).

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Est-ce moi qui marche, cette nuit,
dans ma chambre, ou le mendiant
qui vaguait dans mon jardin,
à la tombée du soir ?
Je regarde
autour de moi et trouve que tout
est de même et n'est pas de même...
La fenêtre était-elle ouverte ?
Ne m'étais-je pas endormi ?
Le jardin n'était-il pas vert
de lune ? Le ciel était limpide
et bleu... Et il y a des nuages et du vent
et le jardin est assombri...

Je crois que ma barbe était
noire... J'étais vêtu
de gris... Et ma barbe est blanche
et je porte le deuil...
Est-ce là ma démarche ?
A-t-elle, cette voix
qui aujourd'hui sonne en moi, les rythmes
de la voix que j'avais ?
Est-ce moi, ou est-ce le mendiant
qui vaguait dans mon jardin,
à la tombée du soir ?
Je regarde
autour de moi... Il y a des nuages et du vent...
Le jardin est assombri...

Je vais et je viens...
Est-ce que je ne m'étais pas endormi ?
Ma barbe est blanche... et tout
est de même et n'est pas de même...
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( extrait de "Jardins lointains", Juan Ramón Jiménez, 1904 )

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