J'ai revu "Kiki la petite sorcière", un dessin animé réalisé en 1986 par Hayao Miyazaki. Apparemment, ce film paraît tout à fait niais aux yeux de nombreuses personnes mais je crois bien que c'est mon préféré.
Il est de bon ton d’aduler le "Voyage de Chihiro". Dans ce très beau film, ma scène favorite est le moment où Chihiro est assise tranquillement dans ce train, glissant sur la voie ferrée recouverte par la mer, les seuls autres passagers étant quelques rares fantômes silencieux. Le sentiment profond de solitude métaphysique qui se dégage me semble très proche de celui des films de Wenders. Or si dans Chihiro cette émotion est présente dans une scène, c'est toute la première heure de Kiki qui se situe à ce niveau.
Pourtant, autant ce sentiment ne semble pas affecter les personnages de Wenders, totalement contemplatifs comme dans "Lisbon Story", autant ceux de Miyazaki semblent douloureusement coupés du monde. Ils se déplacent dans un mirage qu'ils aimeraient rejoindre mais qui leur est foncièrement étranger.
Je crois que Miyazaki ne s'en rend pas vraiment compte. Pour lui, le sujet de Kiki est « le problème de l’indépendance des jeunes filles d’aujourd’hui » et « l’absence de connexion, dans une société où chacun peut vivre en passant d'un travail temporaire à un autre, entre l'indépendance financière et l'indépendance spirituelle ».
De là découlent plusieurs contradictions qui contribuent à parasiter ses dessins animés. De toute évidence, Miyazaki essaie de traiter des sujets sociaux. Mais comment aborder un sujet social quand son point de vue réel est situé totalement au delà ? «Nous rencontrons Kiki sous la forme d'une petite fille volant à travers le ciel nocturne. Les nombreuses lumières de la ville brillent mais il n'en est pas une pour lui adresser un signe chaleureux. Elle est isolée quand elle vole dans le ciel. Habituellement, le pouvoir de voler est associé à l'impression d'être libéré de la terre, mais la liberté est accompagnée par l'angoisse et la solitude. Or notre héroïne est une fille qui a décidé de s'identifier à sa capacité de voler ».
Dans les faits, l'histoire montre que la jeune fille va perdre ses pouvoirs magiques pour s'être trop approchée du quotidien. Bien que Miyazaki ait essayé de trouver une happy end, il ne semble pas avoir réussi à résoudre son problème : « Nous espérons rendre le film suffisamment éloquent pour que le spectateur conclue à une fin heureuse, plutôt qu'il n’espère qu'elle le deviendra ».
Il n’est pas étonnant que la fin malheureusement bâclée de Kiki ne l’ait pas convaincu totalement lui-même. C’est du moins ce que j’en déduis de cette déclaration ambiguë…
4 commentaires:
C'est vrai que Chihiro est mon préféré, quoiqu'en fait j'aime aussi "le chateau ambulant", ou "Laputa", ou encore "Nausicaa". C'est sûr que ses persos sont bien décalés. La scène que tu cites, avec le train, donne effectivement une impression terrible, entre Chihiro qui fait de son mieux mais un peu paumée, et le sans-visage, complètement paumé. En fait, tout le monde est paumé dans ce dessin animé, et dans les autres aussi, d'ailleurs.
Il faudra absolument que je vois les autres dessins animés que Miyazaki. Je n'ai vu que le Chateau dans le Ciel (Laputa), Kiki, Princesse Mononoké et le Voyage de Chihiro.
S'il adapte Terremer, comme certains l'espèrent, on va encore avoir droit à un héros bien paumé dans un univers inquiétant. Pas étonnant que ce soit un de ses romans favoris...
T'as pas vu le chateau ambulant ? C'est un chef d'oeuvre. Et Nausicaa es très sympa aussi.
Sinon, dans le genre animation, tu as dû aimer Kaena et Les enfants de la pluie, non ?
Non, je ne vais pas souvent au cinéma. Et j'ai raté le Château ambulant. :'(
Idem, je ne sais même pas ce que c'est que Kaena et les Enfants de la pluie. Mais je les regarderai dès que j'aurais l'occasion. Merci pour le tuyau !
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