Depuis quelques nuits, je fais de très beaux rêves. Voici un ce ceux dont je me suis rappelé au matin :
La malédiction avait frappé le royaume. Au sommet du Mont Chauve résidait désormais le Mal. C'était encore imprécis, insidieux, mais le Roi avait instamment demandé à tout homme sachant combattre de s'opposer au fléau. Le petit soldat, qui avait écouté cet appel, était de suite parti dans la nuit sur le chemin froid et caillouteux.
Au petit matin, la cohue des courtisans espérant se bien faire voir du Roi s'était empressée vers la montagne. C'était à qui passerait devant l'autre. On voyait leur foule empanachée d'atours et de plumeaux encombrants, en carrosse, en chaise à porteurs ou même à pied, courant, trébuchant sur la route dans leurs pantoufles dorées à pompon ; quel curieux équipage !
Sur eux, le petit soldat avait bien de l'avance. Quand le soleil se leva, il était déjà aux abords de la falaise. C'est là, un peu avant l'endroit où deux routes se croisent, qu'il vit l'étrange chose : un oiseau bleu. Qu'il était minuscule, cet oiseau bleu ! Il pépiait en voletant autour de la tête du jeune soldat - presqu'un adolescent alors - qui s'arrêta un instant pour contempler le prodige. L'oiseau bleu se posa sur sa main et sembla lui parler. Et le petit soldat écouta.
La chance était certes avec lui. Car sur le chemin - juste à l'endroit où deux routes se croisent - la méchante reine avait posté un spadassin, froidement engoncé dans son manteau brun, le visage caché par un chapeau de cuir, haut et raide sur son cheval et armé d'une lance. Sur ses ordres, il attendait le soldat - ce serait le premier venu, lui avait-on dit - pour le tuer. Mais alors que le soldat prêtait l'oreille au pépiement poétique de l'oiseau, un fier mousquetaire, assurément l'homme le plus valeureux du royaume, le dépassa. Comme ils échangeaient un salut bref, le soldat se voyant en retard lui emboîta le pas. L'oiseau bleu était toujours sur sa main. Hélas ! Le jeune homme assista impuissant au meurtre de son compagnon de route ; puis le spadassin, son crime accompli, s'enfuit au galop. Le soldat courut s'agenouiller auprès du pauvre mousquetaire. C'était trop tard : il était mort à sa place.
Plus loin, juste au pied du Mont Chauve, se dressait une maisonnette abandonnée. Le petit soldat, qui avait entendu les conseils de l'oiseau merveilleux, s'y arrêta et attendit ; et l'oiseau, qui s'était changé en une jeune femme, attendit auprès de lui. Ils virent les troupes envoyées par de puissants rois monter à l'assaut de la haute colline. Mais l'oiseau bleu avait prévenu le jeune homme. Tu n'iras pas avant trois jours : à la première nuit, un cri horrible s'entendra au sommet du dôme et se répandant comme un brouillard à travers bois glacera les corps des hommes ; à la seconde, un feu invisible s'allumera et embrasera leur coeur ; et à la troisième, le Diable en personne apparaîtra et emportera leurs âmes perdues. Aussi le petit soldat et son amie s'assirent paisiblement sur le perron de la maisonnette. Ils voyaient défiler, dans un ordre parfait, les bataillons vers leur perte inexorable.
Il était juste midi lorsqu'une escouade, redescendue de la montagne, s'arrêta devant eux. Les généraux avaient estimé qu'elle était inutile puisqu'assez de forces étaient réunies au sommet. Inconscient du péril auquel il avait échappé, le capitaine se présenta au soldat et à son amie. Les prenant pour deux paysans, il réquisitionnait la maisonnette pour le couchage : il croyait qu'elle était à eux !
Tous trois entrèrent et visitèrent la maison abandonnée. Dans les diverses chambres, on comptait douze lits d'enfant...
J'ai remarqué que les rêves ne se concluent jamais. La situation de départ est parfois présente, mais jamais la fin. De même, dans les rêves lucides, il arrive souvent que l'on se réveille juste au moment où une révélation devait être apportée.
2 commentaires:
Si j'étais capable d'écrire mes rêves comme ça, mon journal de rêves ressemblerait à autre chose... Cela dit, tu n'as pas peur qu'en ayant un style de conte, cela supprime les éléments les plus incohérents du rêve ? (qu'on aurait déjà tendance à oublier au réveil). J'avais justement écrit un rêve de 2 manières (l'os dans la rivière je crois) pour montrer la différence, 1) sous forme narrative, 2) sous forme "réelle". ça n'avait pas grand chose à voir.
La particularité de ce rêve, c'est qu'il s'agissait réellement d'un conte. Donc le style ne nuit pas à la présentation du rêve, au contraire il essaie d'en restituer l'impression.
La seule chose qui disparaît, c'est que le point de vue est objectif (à la troisième personne) au début du rêve. Il devient subjectif à partir du moment où l'oiseau bleu s'incarne en l'amie du héros. Je deviens alors moi-même le personnage principal (point de vue subjectif).
Je continue à faire des rêves splendides. J'ai déjà rêvé de deux scénarii et hier il y avait une scène sous-marine de toute beauté. Cette nuit, j'ai rêvé d'un tableau de Vermeer (qui bien sûr n'existe pas). Il était tellement beau que j'en pleurais et c'est ce qui m'a réveillé !
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