La France vient de passer son premier Noël sous le régime du couvre-feu. Je viens de lire l'article du 24 Décembre sur le site du Syndicat de la Magistrature et je constate que je ne suis pas le seul à penser ainsi : l'état d'urgence « a pour seul effet, sinon pour seul objet, d´habituer la population française à vivre sous un régime durable de graves restrictions des libertés publiques ».
Aujourd'hui, je crois qu'il n'est même plus question de se demander si le gouvernement de Messieurs Nicolas Sarkozy de Nagy-Bocsa, Dominique Galouzeau de Villepin, Gilles de Robien et Renaud Donnedieu de Vabres - accessoirement présidé par le mari de Bernadette Chodron de Courcel - si ce gouvernement a pour réelle ambition de maintenir une démocratie en France. Pas une semaine ne se passe sans que ne soit proposée ou votée une loi à faire dresser les cheveux sur la tête. Le 22 décembre a été définitivement ratifié - sous le prétexte d'antiterrorisme - un nouveau texte tout à fait inquiétant.
Pourtant la CNIL (Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés) avait porté un avis très sèvère sur ce projet. En particulier, elle dénonçait les mesures permettant de rendre les forces de l'ordre « destinataires des enregistrements dans le cadre de mission de police administrative, hors de tout contrôle de l’autorité judiciaire » ; leur facilitant l'accès aux listes de réservation des agences de voyages et au nom des passagers ; d’étendre « les dispositifs fixes et mobiles de contrôle automatisé des données signalétiques des véhicules » - d’ordinaire réservés au pistage de voitures volées, cela consisterait à soumettre, selon la CNIL, « à une surveillance automatique l’ensemble des déplacements des personnes utilisant le réseau routier » ; ou obligeant les cybercafés à conserver les noms et sites de connexion du public. La CNIL observait que le projet s’appuyait sur « l’exploitation systématique de fichiers et d’enregistrements d’images susceptibles de concerner la totalité de la population et appelés à conserver des traces visuelles ou informatiques des actes de la vie quotidienne, des habitudes de la vie et de comportements ».
Mais ce gouvernement se soucie-t-il des libertés ?
La chose la plus affligeante est la passivité totale - il me semble même qu'on puisse parler d'adhésion - de la population... et de l'opposition ! à l'instauration progressive d'un état policier en France. Elle pourrait paraître extraordinaire si l'on n'avait déjà évoqué le problème dans ces deux articles (1) (2).
En Novembre, lors de la présentation du projet de loi à l'Assemblée nationale, l'Agence France Presse avait relevé : « Fait rare dans l'hémicycle, les débats se sont déroulés de manière consensuelle entre le gouvernement, la majorité et le PS, M. Sarkozy n'hésitant pas d'ailleurs à saluer le "sens de la responsabilité" des socialistes, tandis que l'ancien ministre PS de l'intérieur Daniel Vaillant appelait les responsables politiques à s'abstenir de toute polémique. »
Le Figaro remarquait que les députés examinaient le projet de loi Sarkozy dans un climat « étonnamment peu conflictuel » . « Les élus socialistes envisageaient hier de voter le texte du gouvernement, au grand dam du barreau et de plusieurs associations de défense des droits de l'homme. »
Faut-il le préciser, la Ligue des Droits de l'Homme, le Syndicat de la Magistrature et l'Ordre des Avocats de France ont qualifié cette loi de liberticide.
7 commentaires:
1) que vas-tu faire, pratiquement, pour contrer cette loi ?
2) Comment te sens-tu quand tu réfléchis à ce genre de choses ?
Il me semble assez curieux que, pour une personne qui regarde les choses en face, tu paraisses me suggérer de m'enfoncer la tête sous le sable à la manière des autruches. Mais je ne comprends peut-être pas le sens de ton propos. Quel était le sous-entendu que tu donnais à ces deux questions ?
Voilà ma réponse dans le désordre :
2) au moment où j'apprends un truc comme ça, ça m'énerve. Depuis tout petit, on m'a appris que les types qui visaient à instaurer une dictature en excitant la peur et la haine, ça se terminait en eau de boudin. En plus, quand les types en question sont des incapables, ça ne présage rien de bon. Donc je vois que ça part en vrille grave et ça ne me fait pas spécialement plaisir.
1) je ne peux pas y faire grand'chose, mais je le fais quand même : ce blog. C'est comme dans l'histoire des Habits de l'Empereur. A partir du moment où l'enfant dit tout haut : "Mais l'Empereur est tout nu !", tout ceux qui le savaient mais n'osaient pas le dire ou même y croire sont bien forcés de s'en rendre compte. Ce n'est bien sûr qu'une histoire. Mais l'espoir, quoiqu'infime, existe pourtant. D'une certaine manière, c'est de l'idéobalistique ;-) (cf. 2 articles plus bas). Je dois avouer que le Pr Cocnescu m'a prévenu que mon idée retomberait 10 ans trop tard, mais il a pu encore se tromper dans ses calculs. De toutes façons, c'était un des buts de ce blog, dire aux gens ce qu'ils ne veulent pas voir et qui leur pend au nez.
Je pourrais aussi adopter l'attitude suivante : "Mon Père, pardonnez-leur, ils ne savent pas ce qu'ils font". Mais ça marche pas très bien, c'est pris pour de l'arrogance et on termine crucifié en général.
Je ne t'encourage pas à faire la politique de l'autruche mais à chercher à l'intérieur plutôt qu'à l'extérieur les véritables causes de ton énervement. L'expérience montre qu'elles sont toujours à l'intérieur.
De plus : 2) qu'apporte le fait d'être énervé, à part se sentir exister ? Tu te lèves, tout va bien, tu penses à ça, et tu te retrouves énervé. ça te paraît mieux de vivre en étant énervé ? As-tu déjà fait des bonnes choses en étant énervé ?
1) Je m'en doutais un peu. Mais quel effet va avoir ton post à part énerver d'autres gens ? Au cas où tu l'aurais remarqué, la dictature c'est "ferme ta gueule" et la démocratie c'est "cause toujours". Tout le monde sait qu'on a un gangster à la présidence. Et alors ? C'est lui qui contrôle la police et l'armée. Tu peux toujours gueuler qu'est-ce qu'il en a à foutre. Va répandre de l'huile de colza sur une autoroute en disant que t'es pas content, ça au moins ça sera une action.
Comme tu peux le voir dans mon blog, où le point de vue change souvent brusquement du proche au lointain, il y a des tas de problèmes que je n'ai pas réglés - et que je crains de ne jamais régler. Les causes intérieures de mon énervement, c'est que :
1) de par mon éducation, j'ai un problème avec l'autorité, surtout lorsqu'elle est tyrannique et tourne à l'abus de pouvoir (alors que certains s'en accommodent très bien).
2) comme j'ai toujours été très proche avec mon petit frère, il sait parfaitement me manipuler émotionnellement. C'est lui qui s'intéresse au social et à la politique et je chope des crises épisodiques par contagion. Dans ce cas, c'est lui qui m'a refilé l'info - il est patron de cybercafé - et bien sûr de telle manière que ça m'a énervé.
On peut très bien avoir une vue plus ou moins claire (ou plus ou moins vague) des raisons intérieures et ne pas savoir comment s'en dépêtrer. Comme je l'écrivais dans l'article des marionnettes, j'ai l'impression que les fils sont embrouillés, quand j'en tire un pour corriger une position, il y a autre chose qui merde. Dans la psychanalyse, l'idée de départ est que la prise du conscience résoud le problème. Je me trompe peut-être mais je ne suis pas d'accord. Ce qui résoud le problème, c'est le transfert : le psy remplace le parent et par cette substitution amène le patient à adopter des croyances qui justifient son comportement - en bref à fortifier son ego.
>> Ca te paraît mieux de vivre en étant énervé ? As-tu déjà fait des bonnes choses en étant énervé ?
On ne fait en effet pas de bonnes choses en étant énervé. Je n'ai pas été énervé très longtemps. Quand j'ai écrit l'article, je ne l'étais plus. En le relisant, il me semble que son ton est sec mais pas énervé du tout. Il faudrait des avis extérieurs.
>> Mais quel effet va avoir ton post à part énerver d'autres gens ?
Et quel effet va avoir la politique de Sarkozy sinon les énerver encore plus... voire pire ? S'il m'arrive parfois de me poser la question à propos de choses inéluctables (leur rappeler qu'on va tous mourir, qu'ils souffrent, que l'amour c'est du flan, qu'on est tous fou à lier... en bref ce que tu fais aussi sur ton blog) et de me dire que la seule chose que je risque de produire, c'est les déprimer encore plus puisqu'ils ne peuvent pas agir sur cela, par contre je pense que cet article est parfaitement fondé. Ca ne me dérangerait pas de gueuler "Tourne !" au conducteur, même si ça lui doit lui faire battre le toquant à 150 à la minute, plutôt qu'il se prenne un platane.
>> Au cas où tu l'aurais remarqué, la dictature c'est "ferme ta gueule" et la démocratie c'est "cause toujours".
Il paraît incroyable que Woody Allen ne se rappelle pas ce qui est arrivé à ses correligionnaires cinquante ans plus tôt. Ca montre bien le peu de profondeur de la mémoire humaine. J'espère pour lui que cette phrase était placée dans un contexte bien particulier, et reprise par un contre-exemple.
>> Tout le monde sait qu'on a un gangster à la présidence.
Il y a gangster et gangster. Celui dont on parle me paraît de la pire espèce.
>> Va répandre de l'huile de colza sur une autoroute en disant que t'es pas content, ça au moins ça sera une action.
Je sais. Je me fais l'effet de répandre une demie-bouteille d'huile sur un chemin de traverse. Mais la seule chose que je sache faire, c'est écrire, alors je le fais.
Effectivement la psychothérapie ne fonctionne pas, ce n'est donc jamais ce que je conseille. En revanche, la pratique fonctionne. C'est pas évident, ça prend du temps, plein de gens se plantent, mais c'est comme le pari de Pascal. Si jamais ça marche, la récompense est très au-dessus de ce qu'on espérait. Personnellement j'ai toujours voulu savoir "comment ça marche". Je pensais quand j'étais jeune que ça n'était pas possible de savoir beaucoup de choses parce que je constatais qu'on oubliait très vite ce qu'on apprenait. Depuis, j'ai constaté qu'il y a un savoir beaucoup plus intéressant que celui-là et qui nous paie de tous nos efforts. Celui de savoir comment fonctionne l'esprit. Je n'en suis qu'au début mais je ne désespère pas de voir un jour la matière se former sous mes yeux... quoique peut-être pas dans cette vie. En attendant, grâce à la pratique, on peut voir un tas de trucs dont les psys n'ont pas la moindre idée.
Je ne serai pas aussi catégorique sur le point "la psychothérapie ne fonctionne pas". Déjà, elle peut marcher rien que par placebo.
Mon problème est le manque de persévérance. Il m'étonnerait fort que j'arrive à m'astreindre à une discipline comme celle requise par la méditation. Peux-tu quand même me conseiller sur la pratique à entreprendre ? Est-ce que la méditation de chiné décrite sur le site de Chepa ferait l'affaire ? Et comment être sûr que je ne me plante pas ? Dois-je absolument essayer de trouver quelqu'un qui puisse me conseiller ?
J'en parlais l'autre soir avec No Smoking, il me semble qu'une pratique plus physique serait beaucoup plus utile. En effet, il a essayé shiné, mais sans la présence d'un maître, l'esprit est trop confus. Le problème de la méditation, c'est qu'il faut avoir l'esprit clair pour que ça commence à fonctionner, sinon ça ne sert à rien. La présence d'un maître éclaircit l'esprit. Sans cela, il faut s'en remettre à des pratiques plus physiques car la confusion est en réalité dans les canaux, ou dans le corps. La chose la plus facile, c'est la respiration consciente. Cherche des articles sur Vipassana. Après, si tu as des cours de chi-qong dans ton coin, ça peut être un bon complément.
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