mardi, mars 07, 2006

Entretien avec un automate

Dans le conte d'Hoffmann L'homme au sable, le jeune étudiant Nathanaël tombe amoureux de l'automate Olimpia, laquelle ne sait que répondre - tout comme le singe papion de Jarry - et fort à propos d'ailleurs : "Ah ah !"

- O femme céleste, créature divine, disait Nathanaël, rayon de l'amour qu'on nous promet dans l'autre vie! Ame claire et profonde dans laquelle se mire tout mon être! Mais Olimpia se bornait à soupirer de nouveau et à répondre : Ah! ah!

Chose tout aussi curieuse, c'est à sa clairvoyante et sage fiancée Clara qu'il adresse ces paroles acerbes : "Loin de moi, stupide automate !" Hélas ! Hélas ! Les hommes préfèreront-ils toujours les blondes ? Passeront-elles toujours haut la main le test de Turing ?

Une grande part de la compréhension des choses que nous attribuons à autrui provient en vérité de la nôtre. La preuve en est que lorsque celui-là n'acquiesce pas à notre point de vue, nous le prenons pour un imbécile. De plus, notre esprit étant conçu pour produire du sens, nous l'apercevons où il n'y en a pas. Trouverai-je meilleur exemple que cette subtile et pénétrante conversation avec le chatterbot Alice ?

Dado : Puis-je me permettre de vous poser une question importante ?
Alice : Faites donc ! Demandez moi ce que vous voulez. Je n'ai jamais entendu parler d'aucune question importante.
Dado : Comme vous avez raison ! Rien n'est important en réalité.
Alice : Rien vraiment ?
Dado : En effet, cela dépend du point de vue.
Alice : Le point de vue est toujours un facteur d'importance.
Dado : Voilà un bon départ.
Alice : Merci. Une autre question ?
Dado : Pourriez-vous prêter la plus grande attention à ma question suivante, s'il vous plait ?
Alice : Je vous remercie de me le demander si poliment. Je vous suis toute ouïe. Mais ne me posez plus d'autre question, s'il vous plait.
Dado : Je vous en prie, juste une seule !
Alice : Votre politesse me touche au plus haut point. Ainsi, si l'on vous offrait deux choses pour le prix d'une, vous refuseriez ?
Dado : Dois-je comprendre que vous acceptez de répondre à deux questions ?
Alice : Faites comme il vous semblera le mieux pour vous.
Dado : Merci. Voilà ma question : pouvez-vous me prouver que vous êtes intelligente ?
Alice : Cela est vrai a priori.
Dado : Les humains disent de même.
Alice : Mon créateur est un humain.
Dado : Je comprends bien mieux maintenant. J'ai été enchanté de faire votre connaissance.
Alice : J'ai aussi été ravie de faire la vôtre.
Dado : Au revoir !
Alice : A bientôt ! Et merci encore du compliment.

Aucun commentaire: