Puisque nous parlions de souvenir et de mémoire, j'aimerais évoquer un phénomène, complètement méconnu du grand public, presque entièrement du milieu savant : les faux-souvenirs. Pourtant, toute personne qui s'intéresse de près aux rêves sait que la chose est un lieu commun du monde onirique. Si ma compréhension est correcte, je le soupçonne d'être tout aussi courant, quoique sous une forme moins évidente, dans la vie éveillée.
Dans des articles et commentaires plus bas, j'ai raconté ma vaine recherche d'un petit pont de bois qui n'existait pas. Je tiens un exemple plus frappant encore à ma disposition.
Il y a plusieurs années de cela, des discussions entre amis revenaient systématiquement sur le même point de psychanalyse. Je le savais abordé par Freud, mais voilà... je n'avais pas lu l'ouvrage où il en était question ! J'avais manqué l'acheter trois mois auparavant. M'étant arrêté un jour devant le rayon psychologie de la FNAC, j'avais hésité devant un livre, "Anna O.", édité chez PUF, de Breuer et Freud. Les deux mains encombrées d'une pile de bouquins, j'avais remis son acquisition à plus tard. Chacune de ces discussions me faisait regretter de ne pas avoir pris l'ouvrage au point que j'allai finalement à la librairie. Or devant le rayonnage, quelle ne fut pas ma stupéfaction ! Je réalisai que jamais il n'avait été disposé comme dans mon souvenir. Le livre en était absent. Je consultai le dictionnaire des ouvrages parus. Il existait bien chez cet éditeur et des mêmes auteurs les "Etudes sur l'Hystérie" dans lequel le cas d'Anna O. est relaté ; mais d'un ouvrage nommé "Anna O." aucune trace (1). De plus, confronté à la situation, je n'arrivais même pas à me rappeler à quelle occasion récente j'avais acheté une telle quantité de volumes. Je parcourus les autres librairies de Toulouse. Après plusieurs confirmations, je dus reconnaître que ce souvenir était entièrement faux.
En vérité, c'est un cas énorme ! Mais je sais qu'il en est de plus communs. Lorsque ma famille évoque son village d'origine, aucun d'entre eux n'arrive à se mettre d'accord sur les détails les plus évidents. Et ma mère me rappelle parfois notre voyage en Sardaigne. Une île charmante sans doute... mais où je n'ai jamais mis les pieds !
(1) En encart, l'image du livre "Anna O." tel que je m'en souvenais.
1 commentaire:
Oui, les faux souvenirs ont un temps fait les choux gras des psys arnaqueurs aux USA , les patients de "souvenaient" de scènes d'inceste et portaient plainte contre leurs parents médusés...
Ma soeur affirme ne pas avoir de mémoire. Elle me demande donc régulièrement de lui raconter un de " ses" souvenirs. Bien sûr, c'est ma version des faits, donc très subjective, mais elle finit pas se l'approprier, comme s'il s'agissait de sa vie. je l'ai souvent mise en garde contre ce genre de procédé mais elle est devenue experte en souvenirs de sa frangine !
De toute façon, les souvenirs sont tellement subjectifs !
Fais le test : demande à quelqu'un de te raconter un évènement auquel vous avez assisté tous deux : rien à voir !
Et même, de soi à soi : mon souvenir d'une scène est sympa à un moment, puis je chemine, le temps passe, je change et je vois les choses autrement, et ça devient un truc passablement glauque...
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