dimanche, novembre 19, 2006

Le Pendule de Foucault

Le Pendule de Foucault, de l'écrivain, sémiologue et linguiste Umberto Eco, est un best-seller qu'on ne présente plus. Il n'est donc pas question ici de faire la critique de ce roman déjà ancien ( 1988 ), encore moins d'en raconter toute l'histoire. Mais j'utiliserai les premiers chapitres dans le but d'introduire mon sujet.

Trois compères désabusés, cyniques et clownesques, Causabon, Belbo et Diotallevi travaillent de concert aux éditions Garamond. Cette maison est loin d'être honnête : le même bureau s'accède soit depuis la vitrine principale - sur un boulevard fréquenté, elle présente une maison d'édition sérieuse spécialisée dans les publications scientifiques pour étudiants - soit d'une autre façade, située dans une rue borgne - c'est alors une presse de littérature ésotérique. Les illuminés, les farfelus, les maniaques, tout ceux qui ont trouvé solution à l'énigme de l'univers, sont encouragés à publier à compte d'auteur des ouvrages qui ne seront jamais diffusés. On les convie de temps à temps à de petites réceptions afin de conforter le sentiment de leur importance. Garamond Press tire la majeure partie de son bénéfice de cette escroquerie.

L'affaire se corse véritablement lorsqu'un de ces foldingues propose à Garamond la révélation du Plan secret des Templiers. Il souhaite publier rapidement sa découverte car il se sent menacé de mort. Or il n'apportera jamais le texte ; il décède dans la semaine qui suit. Nos bien peu charitables coquins tournent l'histoire en ridicule : si sa mort était bien la preuve qu'il a découvert le secret ultime ? C'est bientôt le sujet d'une plaisanterie récurrente : chacun s'efforce d'apporter des éléments au puzzle et de reconstituer l'énigme bien étrange dont le paranoïaque avait eu l'intuition.

Très rapidement, nos amis se prennent au jeu ; leur obstination devient contagieuse ; plus aucun fait ne leur semble innocent ; bien au contraire, le soupçon enrichit leurs découvertes de coïncidences significatives. Il leur semble en fin de compte que l'ensemble puisse s'agencer en un plan cosmique : il expliquerait tout événement curieux du passé et démasquerait une antique conspiration. Pire, le complot serait toujours actif. C'est alors qu'eux-mêmes commencent à se sentir menacés...

Malheureusement le Pendule n'est pas vraiment un thriller. D'autant que je me souvienne, l'intrigue est souvent interrompue par de longues digressions historiques et encyclopédiques. Comme pour la plupart des histoires fantastiques fondées sur un indicible secret, la fin n'est pas à la hauteur du commencement. Par contre, ce qui est véritablement remarquable, c'est la manière dont Umberto Eco a montré combien le "Plan" pouvait sembler irrésistible, combien ses engrenages se mettaient en oeuvre de manière irréversible et implacable, alors que le lecteur, tout comme les trois héros, est parfaitement au courant qu'il est faux. A l'époque où j'avais lu l'ouvrage, il m'avait semblé que l'auteur avait voulu décrire l'évolution du processus de la pensée paranoïaque, démonter les mécanismes de son fonctionnement puis les reconstruire de l'intérieur de manière à piéger le lecteur et ses personnages. C'est d'une certaine manière ce à quoi s'attache tout écrivain de littérature fantastique. Mais ici les rouages sont à nu et le principe est beaucoup plus évident.

Cette impression m'a été confirmée récemment par la lecture de son ouvrage de sémiotique "Les Limites de l'interprétation". Dans des chapitres aux titres aussi révélateurs que "Secret et complot", "L'aventure hermétique", "Soupçons et gaspillage interprétatif", on se rend compte que le Pendule n'est rien d'autre que l'illustration littéraire des thèses qu'il développe à l'intention des spécialistes, et dont j'essaierai bientôt de rapporter ce que j'en ai compris.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Salut c'est Manny_Lectro ! Tu te souviens de moi ?
Je viens de tomber sur ton blog par hasard, je me demandais ce que tu devenais !
C'est chouette d'avoir de tes nouvelles !

Anonyme a dit…

En fait, beaucoup de gens vont interpréter leur vie comme un roman, c'est-à-dire avec une finalité cachée. S'il leur arrive ceci ou cela, c'est pour telle raison, par exemple parce que le Destin a un grand dessein pour eux. Ou alors ils savent qu'ils plaisent aux filles, et où qu'ils aillent, toutes les filles vont les regarder. Ce n'est pas du tout évident pour l'observateur extérieur, mais pour eux ça ne fait aucun doute. Ou si c'est dans le monde de la spiritualité, ils vont te dire que le maître leur a fait des signes pour leur signifier telle ou telle chose, les investissant d'une importance, voire d'une mission, particulière. Parfois, ils sont tellement balaises qu'on en vient à se demander si par hasard ils n'auraient pas raison et à douter de ses propres observations.

Anonyme a dit…

@ Manny Lectro :

Coucou Manny ! :D Bien sûr que je me souviens de toi. Le MUO, le Strange Land qu'on ne peut quitter que si on ne le veut pas et le concours de lancer de Père Noël, ça ne s'oublie pas ! :) Et bien comme tu vois, j'écris mon blog et je suis toujours modo sur LD4all. Et toi, ça va ?

@ Flo :

Il y en a en effet pas mal dans les milieux de l'occulte, du bizarre et de la spiritualité. Ma mère vient d'en croiser un fameux spécimen dans un car de pélerinage. Il comptait devenir président de la République avec un petit coup de pouce de Dieu (qui lui parlait d'ailleurs personnellement).