On pouvait lire dans le Herald Tribune du 17 mars : "la France aime à se croire révolutionnaire. Pourtant, dans un sens, elle est régie comme une grande entreprise ayant à sa tête un puissant PDG (1)". Cette phrase, qui résume l'impression désagréable que m'avait laissé le référendum sur la Constitution Européenne, démontre qu'il est toujours plus aisé de voir de loin ce qui vous crève les yeux de près. Ainsi les analystes étrangers pensent que la France n'est plus gouvernée par des élus représentant la volonté du peuple mais par des individus oeuvrant pour leur seul intérêt ; que ce n'est plus une démocratie mais une sorte d'énorme société anonyme cherchant à dégager des bénéfices. Je me demande bien qui en sont les actionnaires...
C'est à mon avis sous cette optique qu'il faut envisager la solution à l'énigme du CPE ; car ce n'est pas le bon sens qui permettra de comprendre cette prétendue "période d'essai" de deux ans. Toute personne qui, comme moi, a du choisir de nouveaux collaborateurs sait qu'au bout de quelques semaines, il est clair si la personne fera l'affaire ou non ; et comme la plupart des universités prévoient déjà pour leurs étudiants des stages de plusieurs mois en entreprise, dans les sociétés que j'ai connues beaucoup de recrutements se décidaient ainsi. Or qu'apprend-on ? Ce contrat est renouvelable ? L'aveugle qui hésiterait pendant quatre ans pour juger d'un employé n'a certainement pas les qualités requises pour diriger sa société !
Qui plus est, la possibilité offerte pendant deux ans de licencier son employé sans motif ni justification ne semble privilégier que les esclavagistes. De nombreux chefs d'entreprise eux-mêmes, en particulier dans les PME où la confiance et le respect mutuels sont primordiaux, seront à mon avis embarrassés de proposer ce qui semble une telle escroquerie à leurs embauchés. C'est tout sauf un moyen de motiver le nouvel employé. Mes deux derniers patrons ne proposaient un CDD qu'en dernier ressort ; ils le convertissaient en CDI dès que possible. On lit sur un blog célèbre le commentaire d'un chef d'entreprise qui trouve que cette mesure "diabolise" encore plus les patrons.
Je ne sais donc quoi penser de ce CPE. Est-ce une idiotie ? Une absurdité ? Un mensonge éhonté ? Un nouveau genre de pied de nez , à la manière du "Dîner de cons", histoire de se payer la tête de l'électeur ? Un moyen de légaliser des pratiques illégales, jusque là sanctionnées dans le privé mais monnaie courante dans le secteur public ? Un moyen de faire admettre, en proposant un premier texte insupportable, un second texte qui sera présenté comme une amélioration et sera accepté de tous ? Un moyen de provoquer des remous de surface pendant que l'on fait passer d'autres lois en toute discrétion ? De bien faire entrer dans la tête du Français qu'il n'a plus de droits ? De discréditer un présidentiable ? De monopoliser le PAF ? A mon avis, toutes les hypothèses restent ouvertes pourvu qu'elles n'oublient pas la phrase de l'Herald Tribune : "la France aime à se croire révolutionnaire. Pourtant, dans un sens, elle est régie comme une grande entreprise ayant à sa tête un puissant PDG".
(1) But it is run in some ways like a big corporation with a powerful president at the head.
2 commentaires:
c'est comme pour la licence globale pour internet. ça semblait convenir et puis tout à coup ils ont tout changé de manière unilatérale. Non seulement entre la gauche et la droite on n'a plus le choix qu'entre blanc bonnet et bonnet blanc, mais en plus ils n'en ont rien à foutre de l'avis des gens. On revient vers la monarchie, là. Après tout ça ne me dérange pas, mais ça serait mieux que ça soit dit clairement. Que les gens ne perdent plus leurs temps en manifs, ni en émissions politiques.
Le vrai sens caché du CPE, à mon avis, c'est de maintenir des classes sociales, ou même de revenir à un temps où les classes sociales avaient tout de la caste. il y avait les notables, les riches, les patrons, et les ouvriers, ceux qui ne comprenaient pas tout, à qui on disait " ha ! Mon bon, tu ne sais pas pourquoi je te fais ça, mais crois-moi, je sais ce qui est bon pour toi et pour la Patrie..." Alors, pour atteindre ce but ( à mon avis inconscient, mais bien d'un gouvernement de droite, peuplé de nantis, de fils d'archevêques qui regrettent le bon temps où on les appelait "Monsieur" avec déférence... Nb : je ne dis pas ça de façon agressive, c'est humain de vouloir préserver ses prérogatives...) il faut faire en sorte que les gens se sentent merdeux, nuls, incompétents, dépendants. Ils ont été virés ? Sans raison visible, dite, claire. Sans recours. Alors, petit à petit, au lieu de se sentir révolté par l'injure qui vous est faite, vous vous sentez simplement con. Et quand on est con, on ferme sa gueule, non ? Si on a la chance d'être "gardé", on accepte tout, si on est jeté, on acceptera tout du prochain job...
Le vrai problème, c'est pas tellement d'avoir à changer de boulot tout le temps, le vrai problème, c'est d'avoir cette épée de Damoclès sans cesse au dessus de la tête : " Clochard, moi, un jour ? Peut-être"...
Enregistrer un commentaire