« Au dessus de nos têtes brûlaient les merveilleuses étoiles de l'Inde, lesquelles ne sont pas épinglées toutes sur un plan unique mais, préservant l'ordre de la perspective, entraînent l'oeil à travers le velours obscur du vide vers les portes barrées du paradis. La terre était une ombre grise plus irréelle encore que le ciel. Nous pouvions l'entendre respirer doucement durant les pauses que ponctuaient le hurlement du chacal, le mouvement du vent dans les tamaris et le grommellement intermittent des décharges de mousqueterie à notre gauche, dans le lointain. Au fond d'une hutte invisible une femme indigène se mit à chanter, le train postal gronda comme le tonnerre en passant son chemin vers Delhi et une corneille sur une branche croassa tout en s'endormant. »
Les fiançailles de Dinah Shadd, Rudyard Kipling.
La valeur de ce très beau passage de l'écrivain anglais ne provient pas tant de la poésie de la description que de la manière dont il est inséré dans la nouvelle. Kipling vient de décrire une journée chaude, chaotique et mouvementée, lors de manoeuvres d'entraînement militaire, puis les chants et les rires bruyants des bivouacs qui s'éteignent peu à peu. Soudain, nous passons dans l'autre monde : « au dessus de nos têtes brûlaient les merveilleuses étoiles de l'Inde... »
J'ai eu un souvenir similaire en Toscane. La nuit, pour une raison inconnue, personne n'arrivait à dormir. Je me réveillais souvent à quatre heures du matin et, durant ces insomnies, je me rendais sur la terrasse où j'attendais poindre les premières lueurs de l'aube. Ce n'est qu'alors que je parvenais à m'assoupir à nouveau.
Ces insomnies furent les plus belles de ma vie. Sur la noirceur des collines que mouchetaient les lumières des villages éloignés, la nuit limpide, piquetée de magnifiques étoiles, semblait l'eau d'un ruisseau roulant sur un lit profond de pierres précieuses. Jamais je n'ai vu Sirius, au ras de l'horizon, clignoter ainsi comme un diamant de feux lents et intermittents rouge sang puis bleu cyan puis ambre. La constellation d'Orion découpait dans le ciel le contour d'un fier chevalier du Moyen-Âge, tel qu'on en voit dans la tapisserie de la Reine Mathilde, le casque petit, le haubert tombant de larges épaules sur des hanches étroites, l'épée sertie dans un baudrier orné de trois clous d'or. Chaque étoile était un rivet de son étincelante armure. Le battement discret d'une aile de chauve-souris venait me tirer de cet émerveillement.
J'ai du mal à appréhender la source du sentiment intime de familiarité qui lie l'homme à ses petites soeurs les étoiles. Il y a une fusion secrète de l'esprit à la compréhension du ciel et de la nature. Le soleil est trop gros et trop brûlant. La lune est trop froide et trop triste. Mais les étoiles servent d'intermédiaire, comme dans le conte des Sept Corbeaux, entre les deux astres et l'humanité.
Illustration : la déesse égyptienne du ciel Nout. Elle est la barrière séparant le chaos de l'ordre dans le cosmos.
A voir : la taille comparée des astres sur le blog de l'Hermite. C'est assez surprenant.
6 commentaires:
Ben tu vois, si tu pratiquais thögal... non non ça va, j'arrête là, pas taper, pas taper !
C'est marrant, j'allais faire la même :o)
Ceci dit se plonger dans un ciel étoilé est un des seuls moment où l'Espace devient particulièrement famillier, la sensation de multitude et de gigantisme dans un relief infini révèlé par le scintillement n'a pas la même profondeur qu'un ciel bleu... plat, si bleu soit il !
Euh... je comprends pas vos remarques. Apparemment, quelque chose vous a tilté à tous deux mais je ne vois pas ce que c'est. Quel rapport avec mon article et thögal? O_o
"J'ai du mal à appréhender la source du sentiment intime de familiarité qui lie l'homme à ses petites soeurs les étoiles. Il y a une fusion secrète de l'esprit à la compréhension du ciel et de la nature. "
Or Thögal est précisément LA technique pour relier l'Esprit à l'Espace.
Oserais-je te faire la remarque suivante ? Je pense depuis un moment que tu aurais vraiment à gagner beaucoup dans tes quêtes intérieures à essayer de pratiquer. Beaucoup d'éléments que tu tentes de résoudre par le mental trouveraient une résolution bien plus stable et claire par un chemin qui n'emprunte pas que la voie intellectuelle. En plus je pense que tu obtiendrais assez rapidement des choses, tu semble assez posé, clair, un esprit rapide et incisif, tu sais déja repèrer là où l'esprit se raconte des hsitoires, et surtout quelque chose émane de tes écrits, qui semble assez déterminé (à mon avis c'est d'ailleurs la plus important). Reste à savoir si tu acceptera de prendre ce risque :)
Je pense qu'il est proféndément atteint par les présupposés sur la spiritualité dont je parlais dans un artcile récent.
Oui, et très gravement. ;p
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