mercredi, septembre 27, 2006

Le fantôme du capitaine

Je viens juste d'avoir une idée bizarre et comme toutes les idées bizarres, elle ne sera pas simple à exprimer.

Il arrive - et c'est bien sûr plus lisible de l'extérieur que de l'intérieur - qu'une personne, temporairement ou de manière plus fréquente, se prenne pour une autre absente et qu'elle n'est pas. Un tel se prend pour Corto Maltese, un tel pour Saroumane, une telle pour Cendrillon ou la petite sirène ; le choix - si choix il y a - de la personne virtuelle n'est pas toujours aussi valorisant : on peut se prendre pour un clochard ou une fille de joie.

Ces exemples sont caricaturaux. En vérité la chose n'est jamais si simple. Un exemple plus réaliste est cité par Castaneda : il se rend compte un jour qu'il incarne parfois un vieux professeur de sinologie gâteux qui avait excité la dérision des étudiants.

Si la chose est tellement surprenante, c'est qu'évidemment la personnalité réelle n'a rien à voir avec celle fantasmée. L'interlocuteur, lorsqu'il se trouve confronté à ce fantôme sans consistance, ne sait plus trop sur quel pied danser. Il semble n'y avoir ni vie ni conscience dans l'automate qu'il a en face de lui. Dans un tel cas, ma réaction naturelle est, soit de m'esquiver, soit de donner mollement la réplique sans y mêler trop de conviction, soit d'essayer de remettre la personne sur un sol plus sûr et moins mouvant.

Toutefois, je ne suis pas sûr de décrire un seul et unique phénomène. Je ne sais pas non plus quelle valeur lui attribuer. Est-ce un accident temporaire de la psychologie d'autrui ou une soudaine prise de conscience de la nature réelle de la personnalité par l'observateur ?

Tout cela me rappelle une discussion sur un forum à propos des personnages que l'on rencontre en rêve lucide. Quelqu'un avait émis cette hypothèse :

« Je crois que les personnages de rêves sont programmés avec une sorte d'intelligence artificielle primitive, un peu comme un personnage non joueur dans un jeu vidéo. Ils paraissent intelligents et autonomes mais en parlant suffisamment longtemps à l'un d'entre eux, vous verrez apparaître les limitations. »

Ce à quoi j'avais répondu :

« Si les personnages de rêves sont nos programmes inconscients, cela signifierait que les êtres humains semblent intelligents et autonomes mais en parlant suffisamment longtemps à l'un d'entre eux, vous verrez apparaître les limitations. »

Illustration : Fédor Chaliapine dans le Vaisseau Fantôme.

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2 commentaires:

Anonyme a dit…

"les êtres humains semblent intelligents et autonomes "
Ah bon ? Il ne faut pas être exigeant, pour s'imaginer ça.

Dado a dit…

Lol! Admets que c'est un préjugé qui est quand même largement répandu. ;)