Vendredi, l'idée m'était venue de profiter du soleil pour photographier des bosquets depuis une hauteur, lesquels pourraient servir un dessin en projet. Or les environs de Toulouse ne sont pas réputés pour leur altitude aussi pris-je le parti courageux de me diriger vers Foix. Hop ! Me voici en voiture !
Malheureusement vers Auterive, je me rendis compte que la lumière, comme souvent dans la région, était affreuse : un ramassis poussiéreux de rayons couleur de craie. Avisant quelques gros nuages d'orage vers l'est, j'espérai trouver dans cette direction des contrastes plus accentués et je m'engageai sur des routes inconnues qui serpentaient sur les collines au-delà de l'Hers. Je traversai ainsi les petits villages de Cintegabelle - célèbre pour son ancien maire - puis de Calmont. Calmont porte à moitié bien son nom car si l'endroit est excessivement calme, il n'est pas situé sur un mont. Il y avait là un joli pont où je pris cette photographie.
Du coté de Mazères, je parvins sur une route de crête qui me permit d'évaluer l'étendue de mon erreur. J'étais en pleine saison des labours ; la lumière, toujours aussi médiocre car les nuages étaient plus éloignés qu'ils ne paraissaient au premier abord, éclairait platement de vagues ondulations de molasse qui s'estompaient dans la poussière des lointains. Les mottes d'argile dans les champs chatoyaient d'une manière étrange, presque noires en contre-jour et totalement surexposées en plein soleil ; les chaumes secs, gris neutre, étaient mêlés d'herbes d'un jaune citron violent ; enfin quelques brins de blé vert saturé commençaient à poindre dans la terre sombre ; tout cela dans un désordre de variations chromatiques très désagréables à l'oeil.
C'est d'ailleurs à partir de là que tout commença à devenir bizarre. J'arrivai d'abord dans un vallon aussi étrange que son nom, le Brésil.
Puis passé le prétentieux col de Samson ( 317 grands mètres ) je redescendis vers Castelnaudary. Surprise ! je découvris ici un port dont l'existence m'avait été cachée depuis des décennies !
Je poursuivais toujours les gros nuages à l'horizon. Mais ils s'estompaient au fur et à mesure que j'avançais. Qui plus est, j'entrais maintenant dans le Lauragais, que la muse de la peinture n'a sans doute jamais frappé de l'empreinte de son pied délicat. En désespoir de cause, je m'arrêtais à Saint-Félix pour boire une menthe à l'eau. Le serveur du café, pourvu d'un accent indéfinissable et d'une combinaison de pilote de rallye, rôdait autour de ma table. Je payai d'avance. Mais il continua à me surveiller comme si j'allais me sauver avec la carafe vide. Je m'éloignai pour prendre quelques photographies sur les remparts.
Par la suite, je ne me souviens plus très bien de ce qui m'arriva. Je me rappelle d'un village au nom fort improbable, Saint-Julia-de-Gras-Capou. Il y avait près d'une fontaine une frêle jeune fille dont la magnifique chevelure noire ruisselait infiniment comme une cascade nocturne. Elle dirigea son regard vers moi. Depuis, je ne sais plus si je rêve ou si je suis éveillé. Combien de temps s'est-il passé ? Suis-je rentré chez moi ? Suis-je en train d'écrire ces lignes ? Ou suis-je encore plongé dans le songe confus d'une naïade, enchevêtré à jamais dans les lacs fascinants de ses longues mèches d’ombre, près de la fontaine de Saint-Julia ?
2 commentaires:
C'est pas le grand canyon du Colorado, mais ça& a aussi son charme. Tiens d'ailleurs, tu devrais essayer l'Oise et ses champs de betterave. Il y a aussi cette charmante commune de la Chapelle-aux-Riboul qui accueillit naguère les retraites de Chepa Rinpoche, un véritable délice de variations chromatiques désordonnées... comme tu dis.
>> Tiens d'ailleurs, tu devrais essayer l'Oise et ses champs de betterave.
Oh oh ! Cette information capitale pourrait bien intéresser un des mes amis qui adore peindre des betteraves. Il est allé récemment sur les bords du Lac Léman, mais n'en a pas trouvé...
Quant à la Chapelle-Aux-Riboul, ça vaut bien comme nom Saint-Julia-De-Gras-Capoul... :)))
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