jeudi, septembre 14, 2006

L'invasion des croyances géantes

Les Croyances. Ces pensées étranges venues d'une autre planète. Leur destination : la Terre. Leur but: en faire leur univers. Dado Vincent les a vues. Pour lui, tout a commencé par une nuit sombre, le long d'une route solitaire de l'information, alors qu'il cherchait une citation qu'il ne trouva jamais. Cela a commencé par un site web abandonné, et par un homme que le manque de sommeil avait rendu trop las pour continuer son googlage. Cela a commencé par l'atterrissage d'une pensée venue d'une autre galaxie. Maintenant, Dado Vincent sait que les Croyances sont là, qu'elles ont pris forme humaine, et qu'il lui faut convaincre un monde incrédule que le cauchemar a déjà commencé...

J'ai retrouvé sur le blog Vol de mots le petit jeu des croyances qu'avait lancé sensorie. Cela m'a donné l'idée de rechercher ce que l'on dit sur les croyances et voilà sur quoi je suis tombé :

« Nous vivons dans un marécage de croyances. Au milieu de celui-ci se situe [...] la science, qui n'est comme toute pensée qu'un système organisé de croyances. Tout ce qu'on peut dire c'est que le monde scientifique ne semble pas réussir mieux que les autres. Il engendre des aberrations. [...] Science sans conscience n'est que ruine de l'âme. »

Franchement, je suis un peu soufflé. On dirait du Dado tout craché ! Pour vous permettre de vérifier, j'ai rajouté sur le texte des liens vers mes propres articles. En fait, c'est de Jean-Pierre Petit, l'auteur de "Enquête sur les extra-terrestres qui sont déjà parmi nous", et que j'avais déjà cité ici.

Plus loin, je lis :

« La plupart sont totalement inconscients du fait que tout système de pensée n'est qu'un système organisé de croyances diverses. [...] Un système organisé de croyances fonctionne avec une machinerie hypothético-déductive : Si... ceci et si .. ceci, alors..... cela. On obtient alors une machinerie langagière qu'on appelle un paradigme, qui fonctionne comme une sorte de "cage d'écureuil" à l'intérieur de laquelle l'homme-qui-pense pédale sans s'en rendre compte. [...]

Si le discours pouvait être comparé à la musique produite par un électrophone, il arrive que le saphir saute un sillon et qu'une nouvelle phrase mélodique prenne brutalement la suite, totalement différente de la précédente. [ Ici, Jean-Pierre Petit prend l'exemple de Wegener pour montrer comment les croyances évoluent de manière discontinue, sans que personne ne s'en rende compte...] Les plus de soixante ans ont donc connu de leur vivant un saut paradigmatique assez important puisqu'au cours de leur vie les continents sur lesquels ils vivaient se sont soudain mis en mouvement. C'est assez comparable à l'abandon du géocentrisme à l'occasion duquel la Terre s'est soudain mise à se déplacer dans l'espace.

Ce qui est extraordinaire c'est la façon dont les hommes, à commencer par les scientifiques eux-mêmes, oublient ces sauts. Au bout de très peu de temps ils vivent comme si leurs connaissances "avaient toujours été là". Ils n'ont aucune conscience de la mouvance permanente de leur perception du monde. Entre deux sauts s'instaure un conformisme d'époque fondé sur ce que Reeves invoque très souvent : "un large consensus".

La science moderne a émergé "au siècle des lumières". Elle a eu alors l'impression d'avoir pour devoir de lutter contre "l'obscurantisme". Ainsi est né le rationnalisme, s'opposant au "monde de la croyance", alors qu'un monde exempt de croyances n'est qu'une illusion. »

Je préfère citer textuellement ces documents. On pourra ainsi comparer avec les miens. Au moins, je sais maintenant que je ne suis pas le seul dans la galaxie à avoir ce genre de croyances.

Liens vers les articles complets :
Le paradigme perdu.
Paranormal contre artefacts.

Le Dado nouveau est arrivé

Un vent de changement souffle sur ce blog et je ne sais pas encore si c'est le vent mauvais qui emporte les feuilles mortes. En tous cas, ça doit correspondre au tournant de la saison.

Je vous avais présenté il y a quelques jours le cru 2006. Mais mon oenologue me revenant trop cher, j'ai pris le parti de produire un vin plus rustique.

Quelques explications. Mon style sophistiqué est trop contraignant ; les articles se veulent sérieux ; ça ne rime à rien et ça limite les sujets ; je cherchais à maintenir une unité de ton ; elle devient elle aussi de plus en plus insoutenable ; je réfléchis beaucoup trop sur les articles et ça me prend la tête. En conséquence, trois articles sur quatre ne sont pas publiés pour telle ou telle raison, et mon véritable blog - le fichier Word où j'entasse toutes ces idées à reprendre - est plus hyper-secret encore que celui de John Warsen.

En bref, je me sentais de moins en moins à l'aise avec ce style. Il est devenu un vêtement étriqué.

J'ai donc décidé de ne plus faire d'effort de style, sauf exceptionnellement. Ni d'effort de réflexion. Les idées que je présenterai seront des intuitions - vraies ou fausses, cela n'a pas vraiment d'importance. Je ne laisserai pas reposer les articles quelques jours comme je le faisais précédemment. On trouvera des répétitions et même des photes d'ortographe.

Il se peut que ce changement soit bon, il se peut aussi qu'il soit désastreux. Probablement, il y aura beaucoup plus de déchets et de lie au fond de mon vin. Des idées mal exposées engendreront des malentendus. Jusqu'à quel point je pourrai le tolérer, je ne sais pas encore.

Il y a toujours un intérêt à entreprendre quelque chose, même si c'est pour de très mauvaises raisons. Si l'on considère que j'ai réussi à remplir ici, en un an, quelque chose comme cent cinquante pages d'un style à peu près honnête, c'est au prix d'efforts que je ne peux pas soutenir régulièrement. Cela je l'ai appris grâce à ce blog. Je sais maintenant que je ne suis pas un bon écrivain. Puis-je être un écrivain tout court ? C'est ce que l'avenir me dira.

mercredi, septembre 13, 2006

Pourquoi bloguons-nous ? Pourquoi continuons-nous ? Pourquoi arrêtons-nous ?



Dans un précédent commentaire, Kiki l'écrivaillonne me pose ces questions : pourquoi commencer un blog ? pourquoi le continuer ? pourquoi l'arrêter ? Je pourrais lui renvoyer très fémininement la balle : pourquoi toutes ces questions ? Mais cessons immédiatement ces petites mesquineries et entamons plutôt ce qui sera décidément l'article le plus bavard de cette longue année.

Par où commencer sinon par le commencement ? Pourquoi démarrer un blog ? La réponse est simple : surtout pour de mauvaises raisons. Selon les statistiques Technorati, la moitié des blogs s'arrêtent en moyenne au bout de trois mois. Ces personnes, assez rapidement, soit ne trouvent plus de quoi nourrir leur blog, soit se rendent vite compte que leurs objectifs étaient erronés. Sans doute ont-elles ouvert leur blog pour faire "comme tout le monde" et après s'être rendus compte que c'était un travail assidu, plutôt pénible et pas du tout gratifiant, "comme tout le monde" elles le ferment bientôt.

Je ne peux que me représenter un vague présupposé sur la manière dont autrui a entrepris son blog. Il en existe de nombreux styles. Je ne pense pas qu'on puisse comparer celui de Miss Kisseuse, ado qui publie à l'intention de ses potes les photos des dernières soirées parsemées de SMS et de lyrics de chanteurs à la mode, au blog de David Vincent qui s'est engagé à prévenir le monde de l'invasion imminente des extraterrestres, au péril de sa vie.

Personnellement, je trouve les raisons qui décidèrent la première plus sensées que les celles du second.

Dans mon exemple - fantastique, dois-je le préciser ? la motivation qui poussa David Vincent à bloguer découle d'une poignée de convictions, d'idées obsessionnelles et de fantasmes ; ainsi la conviction que l'existence des Humains est supérieure à celle des Martiens ; ainsi l'idée obsessionnelle qui lui fait orienter sa vie et son blog autour des envahisseurs et de la chasse aux preuves de leur arrivée sur terre ; ainsi le fantasme qu’il atteindra des millions de lecteurs. Or que va-t-il arriver à David Vincent ? Il se rendra compte qu'il ne peut fournir autant de preuves qu'il l'avait initialement imaginé, peut-être tout au plus une par mois ; il s'apercevra qu'en conséquence son blog est horriblement répétitif et pauvre ; il verra surtout qu'il n'atteint personne sauf quelques paranoïaques et adeptes du complot international dont les commentaires délirants finiront par le faire douter de sa conviction initiale : peut-être vaut-il mieux que les extraterrestres réduisent en poudre ce ramassis d'abrutis finalement. Et, parvenu à la conviction inverse de celle qui l'avait entraîné - et tout aussi fausse - il fermera son blog et s'adonnera paisiblement à la pêche à la truite.

Au bout de la période fatidique de trois mois, que se passe-t-il donc ? Comme le cyclotouriste qui a toujours rêvé, en regardant le Tour de France à la télé, de grimper le Tourmalet, vous vous rendez compte dès le troisième lacet que la réalité est bien différente de tout ce que vous aviez pu imaginer. Vous prévoyiez bien quelques difficultés, ce qui se représentait à vous comme arriver en haut immensément satisfait de vous-même après un gros effort. Or très curieusement, le problème principal n'est pas le sommet, c'est de pousser sur chaque pédale tour à tour sans avancer d'un pouce. Mais voilà le hic ! Vous avez claironné à tous vos copains que vous alliez faire le Tourmalet. Vous avez parcouru dans votre 4x4 astiqué pour l'occasion les deux cent kilomètres de Toulouse à Sainte-Marie-de-Campan, avec votre beau vélo chromé et votre maillot orange Euskatel-Euskadi. Et tout au pied du col, sur la place du petit village, vous avez échangé avec d'autres cyclistes des propos enthousiastes sur l'ascension prévue. Alors à quel moment vous permettrez vous de faire piteusement demi-tour et de vous avouer que ce n'était pas pour vous ? Vos raisons d'abandonner ne sont-elles pas aussi mauvaises que l'étaient vos raisons de commencer ?

Or finalement, n'en sommes-nous pas là pour tout ce que nous entreprenons ? La brave ménagère ne peut-elle pas s'écrier du jour au lendemain : « à partir d'aujourd'hui, c'est plus moi qui fais la vaisselle ! » à l'ahurissement de toute la maisonnée consternée dont elle vient d'ébranler, comme le fit Samson du temple de Dagon, les piliers et les fondements ? Bien sûr, il faudrait qu'elle révise quelques unes des convictions friables que seule son obsession du nettoyage lui permettait de soutenir : elle n'est plus digne du titre de maîtresse de maison respectable, secret héritage ancestral d'une immémoriale lignée de générations féminines que sa mère lui avait, sur son lit de mort, précieusement remis en mains propres et en tremblant.

Mais je m'égare. Je voulais seulement dire que s'il est plus facile d'abandonner un blog que la vaisselle, c'est qu'une raison suspecte doit se cacher dessous. Il n'existe pas, comme on le répète pourtant assez souvent, une communauté de blogueurs. Quand vous faîtes votre blog, vous êtes seul, votre création est un petit tas de cailloux anonyme que vous entassez au coin d'un chemin et vous vous sentez le droit de donner un coup de pied dedans au premier moment d'énervement venu. Les conditions de votre découragement seront multiples. Je ne saurais certes les énumérer pour vous. Je vous invite plutôt à chercher les convictions, les idées obsessionnelles et les fantasmes qui ont soutenu la création de votre blog ; et vous saurez alors pourquoi vous le fermerez.

Illustration : D'où venons-nous? Que sommes-nous? Où allons-nous? Paul Gauguin, 1897–1898.

dimanche, septembre 10, 2006

Un an de blog : le bilan

Peut-être avez vous entendu parler de cette coutume ancestrale, commune dans les sociétés industrielles, qui consiste à remercier la divinité solaire, chaque fois qu'elle revient dans une initiale constellation, pour les bienfaits qu'elle daigna octroyer à l'entreprise. Les grands prêtres de cette religion appellent cette cérémonie traditionnelle la "réunion de kick-off". Devant l'ensemble des membres de la tribu, chaque chef à plumes se félicite soi-même et tour à tour d'avoir reçu les pouvoirs de nombres favorables et révèle aux yeux des mortels ébahis les sceaux magiques de protection nommés "graphiques PowerPoint".

Visiteurs durant l'année 2006

Puis les vaillants employés festoient dans la liesse lors d'un grand banquet où ils sont autorisés à danser avec les secrétaires...

"And söhte ich kümmen wülle
To mine kineriche
And wühnien mid Brütten
Mid müchelere wühne."


"Et bientôt, je reviendrai dans mon royaume et je festoierai parmi les Bretons dans une grande liesse."

Aujourd'hui est venu le jour faste de sacrifier à cette bienfaisante tradition et de faire le bilan d'un an de blog. Je profiterai aussi de l'occasion pour répondre aux questions de mes nombreuses lectrices... (1)

Comme je le disais hier, les articles des trois premiers mois me paraissent meilleurs que les suivants. A cela, je trouve plusieurs raisons : ils me semblent plus inspirés ; je cherchais systématiquement une manière originale pour en présenter le contenu ; il y a donc plus d'effets de style, ce qui rend leur lecture agréable. Ils participaient d'une forme d'introduction et je n'étais pas encore entré dans le vif du sujet. De même, les premières semaines durant lesquelles Christophe Colomb, penché à l'avant de sa blanche caravelle, regardait "monter en un ciel ignoré du fond de l'océan des étoiles nouvelles", furent sans doute les plus exaltantes de son long voyage.

Les idées présentées au tout début étaient des convictions. A partir du moment où l'on affirme, comme le petit grillon, que "l'intelligence dont nous nous enorgueillissons n'est qu'une forme spéciale de l'imbécillité, grâce à laquelle nous prenons constamment des vessies pour des lanternes", tout est dit. Après cela, il reste à fournir des exemples et à étayer des démonstrations, ce qui est la part la plus fastidieuse du travail. Dans les articles qui ont suivi, le raisonnement est souvent ardu - j'éprouve des difficultés à me relire ! aussi sur le moment ai-je pensé ne pas pouvoir me permettre des fioritures qui rendraient plus pénible encore leur compréhension. C'est pourquoi de nombreux textes, même si leur contenu est intéressant, donnent l'impression d'un pur intellect coupé des sources de l'affection.

Ma préférence pour les articles des premiers mois est donc sans rapport avec l'évolution de ma pensée. Bien au contraire, durant cette année, à force de creuser pour trouver une base saine afin de planter les étais de ma réflexion, j'ai fini par trouer le plancher. Aussi surprenant que cela puisse paraître, c'est totalement creux dessous !

En effet, il est impossible de circonscrire la différence entre le sujet et l'objet, chacun des deux se dissolvant dans l'autre. L'univers et la matière, lorsqu'on cherche à les saisir, se changent en une poignée de vecteurs mathématiques complètement mentaux ; l'impression de leur réalité est une construction de la conscience ; or elle-même et ses résidus, tous impossibles à définir, semblent s'expliquer par le fonctionnement du cerveau, lequel est fait de matière, donc de la poignée d'abstractions qui paraissaient avoir été imaginées par lui. Tout ceci fait penser à un labyrinthe de reflets de miroirs dont il est impossible de trouver la sortie autrement que par un hasard heureux.

Ce paradoxe tend à remettre en doute l'outil qui nous donne une vue si aberrante : la raison. Et de fait, celle-ci est fondée à la fois sur une représentation qui, bien qu'elle paraisse évidente, est résolument fausse ; sur un langage nécessairement incomplet fournissant de cette représentation une perspective floue et imparfaite ; sur des liens de cause à effet particulièrement douteux ; et pour finir, sur des bases - dont l'équivalent mathématique est le postulat - qui ne se révèlent en dernier lieu n'être que des croyances, des convictions, des fantasmes ou d'autres idées fascinatoires TM (2) qui engendrent une inconditionnelle quoique éphémère adhésion.

Mais cela, dont je me doutais un peu, n'est rien comparé à certains problèmes inattendus. Je ne me les formulai plus ou moins clairement qu'à partir de Février 2006.

Primo, quelle que soit la valeur de mes exemples et de mes démonstrations, ils n'attirent que des personnes partageant dès l'origine le même type de convictions. Les autres vont éprouver - je fonde surtout cette supposition sur ma réaction à la lecture d'autres blogs - une répulsion instinctive vis-à-vis du contenu. Je prêche donc en terrain conquis et ces efforts me paraissent pour le moins sans intérêt.

Secundo, si j'avais vu que le style est une personnalité indépendante, séparée de celle de l'écrivain, il arrive cependant un point où la créature dévore son créateur : il ne voit plus que par elle, ne pense plus que par elle et n'agit plus que par elle. Bien que, de toutes manières, cette maladie mentale ne soit pas différente de celle que l'on connaît communément sous le nom de "déformation professionnelle", je n'éprouve que peu de sympathie à me voir réduire à un philosophaillon grincheux ne suspectant que mensonge en deçà comme au-delà des Pyrénées.

Je ne concourrai donc pas avec Flo pour la palme du blog le plus déprimant de l'année 2007. Par contre il se pourrait bien que, comme la seiche livide, je lâche bientôt mon encre obscure tout d'un coup et, au grand dam du lecteur aveuglé, m'enfuie en zigzaguant vers les eaux bleutées des mers plus hauturières.

(1) Je préfère dire "les questions de mes nombreuses lectrices" que "les questions de Kiki et Flopinette" parce que, je ne sais pas si vous l'avez remarqué, ça fait beaucoup plus sérieux. On m'objectera sans doute l'utilisation du qualificatif "nombreuses". Or à partir de quel chiffre peut-on commencer à estimer que des lectrices sont nombreuses ? Celui qui oserait prétendre que ce n'est pas à partir de 2 serait certes de mauvaise foi !
(2) Fascinatoire TM est une marque déposée sous copyright John Warsen 2006.

vendredi, septembre 08, 2006

Château Dado : le cru 2006

Pour fêter l'anniversaire de Songes de la Raison, je vous présente une sélection des articles qui m'ont paru les plus intéressants, non seulement par leur contenu mais également par leur facture. Le choix n'a pas été si facile. Après un premier tri, il restait encore soixante articles soit un tiers du blog, ce qui m'a agréablement surpris. Je n'ai pas pour habitude de me satisfaire aisément, c'est plutôt le contraire qui a tendance à se passer.

Voici donc vingt-trois de mes articles entre Septembre 2005 et Septembre 2006, classés sous des rubriques assez grossières :

Un peu d'histoire :

Petit déjeuner avec vue
Naissance d'une civilisation

Poésie et pathos larmoyant :

Jardins lointains
La vue des jardins Boboli

Critique cinématographique :

Kiki la petite sorcière
Fleurs brisées

Humour et dérision :

Llanfairpwll
La journée de la santé mentale
L'ethnographie, discipline maudite
Pouletosaurus Rex

Perplexités sur la conscience, l'univers et autres :

Le malin génie
Le saut périlleux de la science
Cogito ergo sum
L'ambiguïté des sentiments
Les aventures de Mickey Mouse dans la huitième dimension
La raison à l'état sauvage
Entretien avec un automate

Le choix des lecteurs :

Muses en quête d'auteur
Les nudités invisibles
La fin du monde est proche
Faux sceptiques
La forêt obscure
Personnalités artificielles

Dans l'ensemble, j'ai privilégié les articles contenant de l'anecdote ou du sentiment sur les réflexions crues et sèches. Ainsi la plupart des articles pourtant intéressants, mais trop nombreux pour être tous listés ici, sur la conscience, la croyance, le rêve et la construction de la réalité, n'apparaissent pas dans cette sélection. Il est un peu regrettable que la plateforme Blogger n'offre pas la possibilité de créer des catégories, ce qui aurait permis de les retrouver plus simplement.

mercredi, septembre 06, 2006

Le paysage toscan



Tellement touché par votre gentil accueil à mon retour, je regrette un peu de n'avoir pas grand'chose à vous raconter de la Toscane. J'ai surtout passé ces deux semaines à explorer le paysage que l'on apercevait depuis Radicondoli, ce qui prend bien plus de temps qu'on ne l'imagine, car sitôt que l'on s'éloigne de la quatre voies Florence-Sienne - sur la voie de gauche de laquelle poussent des surgeons de vignes et de peupliers - on se retrouve sur des routes sinueuses comme il ne se parcourt ici qu'à compter de mille mètres d'altitude, si elles ne se transforment pas au détour d'un virage en piste carrossable de jolis graviers blancs !

Le voyageur en Toscane a l'impression de visiter l'un de ces minutieux paysages médiévaux tel qu'on les voit dans les enluminures ou la fresque d'Ambrogio Lorenzetti. En vérité, la vision de l'artiste du XIIIème siècle reproduit beaucoup plus fidèlement la réalité subjective que ne le fait l'oeil photographique actuel.

Comme au Moyen-Age, le centre du champ de vision implique la communauté humaine car c'est seulement depuis le village, systématiquement situé sur une hauteur, que l'on peut découvrir ce qui se passe alentour. Le paysage est triangulé par les regards inquiets que s'échangent les cités fortifiées d'une colline à l'autre. Depuis les remparts de Radicondoli, on voit se découper à travers l'atmosphère transparente non seulement chaque donjon et chaque clocher de village sur les sommets les plus proches mais, à travers des trouées dessinées entre les vallonnements, les lourdes fortifications de Volterra et les tours élancées de San Giminiano, à vol d'oiseau cinq lieues plus loin.

Les collines ont chacune leur individualité : l'oeil les distingue nettement les unes des autres et elles sont loin de former ce drapé mollement plissé et onctueux que montre l'appareil photo. Leur altitude paraît exagérée car il est long d'y grimper à pied - et encore maintenant en voiture. Le long de leurs flancs s'inclinent les champs de blés et les rangs parallèles des vignes et des oliviers plus clairsemés. Quelques fermes s'éparpillent en contrebas. Parfois, au pied d'une montagne, on découvre les augustes et rustiques murailles rouges d'une seigneuriale fattoria, propriété agricole appartenant encore à quelque ancien comte ou immémoriale duchesse, et du territoire immense de laquelle s'exploitent seulement de minuscules parcelles courant entre les bois de chênes et de robiniers.

Le réseau routier ne dessert pas la campagne dans son ensemble ; mais chaque chemin, dont le tracé imprévu remonte lui aussi certainement au Moyen-Age, ne joint que les deux villages les plus proches d'une crête vers l'autre ; de telle façon que le trajet le plus direct en apparence requiert souvent de contourner la vallée inhabitée et ses ponts effondrés par les crues de torrents au lit trompeusement désert...

lundi, septembre 04, 2006

Retour de Toscane



Mes talents de photographe étant passablement limités, c'est sans doute la seule image que vous verrez de mes vacances en Toscane. Ce panorama se déployait en face de la terrasse de notre maison.

En fait, devant une scène ou un paysage, mon regard ne cesse de zoomer et de dézoomer sur les détails. A l'intérieur d'une vue d'ensemble, certains éléments sont mentalement grossis : ils prennent beaucoup plus de place qu'ils n'en ont en réalité. Depuis notre terrasse, on découvrait des dizaines de petites fermes perdues dans le décor. Chacune d'entre elle reflétait le soleil de manière différente. Il y avait une sorte de donjon surmontant Belforte au sommet de la colline en vis-à-vis ; malgré la taille de la photographie, c'est à peine si l'on distingue ce village. Tout au loin, sur les monts fermant l'horizon, on apercevait Chiusdino avec son campanile ; dans l'image, il est inutile de le chercher.

De plus, l'oeil accommode en fonction de la luminosité locale. Ici, on ne remarque pas du tout la petite chapelle posée en contrebas. Elle semble noyée dans l'ombre alors que ses façades étaient encore éclairées du couchant. Le photographe que je ne suis pas ne se laisse pas distraire par ces aléas de l'attention. Il ne saisit pas l'histoire du paysage telle que son imagination la réorganise ; mais juste ce que son oeil voit.